Evaluation satisfaisante de l’affermage de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural au Bénin
Le Palais des Congrès de Cotonou a accueilli, du 27 au 28 février 2025, un atelier sur l’évaluation de la réforme de l’affermage de l’Approvisionnement en Eau Potable en milieu rural (AEPMR) au Bénin et de l’appropriation des contrats d’affermage. Organisé par l’Agence Nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural (ANAEPMR), cette revue du cadre institutionnel d’approvisionnement en eau potable en milieu rural et des réalisations en cours met en lumière les importants résultats acquis par le Bénin, de même que l’originalité et la pertinence des réformes engagées depuis 2016 dans ce secteur vital.
La réforme engagée par le Gouvernement pour atteindre l’accès universelle à l’eau potable en milieu rural vise à renouveler les équipements afin de les mettre aux normes, à accroître l’efficacité et la pérennité de l’exploitation et de la maintenance des infrastructures hydrauliques rurales à travers l’établissement d’un partenariat public privé (PPP) pour la gestion technique et commerciale des systèmes des AEP en milieu rural. Ainsi donc, selon Sylvain Adokpo MIGAN, DG ANAEPMR, les contrats d’affermage de l’AEPMR sont les tout premiers conduits au Bénin dans le cadre de la loi sur les PPP. Deux opérateurs privés de réputation internationale ont été recrutés et interviennent dans le pays sur la base d’un contrat d’affermage depuis mars 2023. L’objectif de cette délégation de l’AEPMR est l’amélioration des performances techniques et financières du sous-secteur de l’hydraulique rurale, de même que celle de la gestion commerciale de type privé en impliquant des opérateurs privés régionaux de références dans l’exploitation du sous-secteur. Dans ce partenariat public privé, le gouvernement vise l’accroissement de la desserte en eau potable par l’augmentation sensible du nombre de branchements privés et des bornes fontaines publiques dans les centres ruraux du Bénin et la qualité du service public de production, de transport et de distribution d’eau potable en milieu rural. A terme, cette réforme doit également permettre de réduire la participation financière de l’Etat dans le recouvrement des charges d’exploitation qui seront assurées par des tarifs de vente de l’eau socialement acceptables.
Réalisation d’une étude d’évaluation de la réforme
Après plus de 18 mois de mise en œuvre de l’affermage, l’ANAEPMR, dans sa quête permanente de performance, a commandité une étude d’évaluation de l’affermage de l’AEP en milieu rural. Cette évaluation a été confiée à deux consultants internationaux recrutés avec l’appui de la GIZ à travers son Programme Agir Eau. Sur la base des analyses des documents, des données collectés, des entretiens avec les acteurs principaux, des visites de sites dans les trois (3) périmètres affermés, ils ont procédé à : (i) déterminer le niveau de mise en œuvre des contrats d’affermage en termes de réalisation des engagements contractuels des acteurs (Etat, Communes, ANAEPMR, Fermiers) en termes de gestion du service public d’eau potable dans les centres ruraux ; (ii) faire le bilan financier des 18 premiers mois d’opération avec l’analyse des tendances de charges et de revenus, l’exploration des facteurs influençant ces tendances ainsi que les recommandations en vue de faire converger ces tendances avec les hypothèses prévisionnelles ; (iii) estimer le niveau des réalisations des travaux de réhabilitations, de renouvellement, de mise en conformité et d’extension de l’outil de production, de transport et de distribution d’eau potable contractuellement à la charge de chaque acteur ; (iv) vérifier l’amélioration de la qualité du service aux usagers depuis la prise de service des Fermiers.
Des résultats et des acquis satisfaisants
Selon les résultats confirmés par l’étude d’évaluation, repris par le DG ANAEPMR, “l’un des tout premiers acquis de la réforme est le développement des infrastructures de croissance, c’est-à-dire la mise en place d’équipements neufs et aux normes qui sont en train d’être réellement déployées sur le terrain”. C’est, toujours selon l’expert en approvisionnement en eau potable et DG ANAEPMR, “la base même du contrat d’affermage, parce que les opérateurs recrutés ont soumissionné en se basant sur un engagement du Gouvernement de déployer un certain nombre d’équipements à travers le territoire, et d’accroître le volume de vente de leur travail. Je pense qu’on est en train de remplir la mission. On n’est pas encore arrivés à 100%. Mais, plus que jamais, les équipements de tous les types sont visibles à travers le pays”.
Couverture intégrale de tout le territoire rural du Bénin
Le deuxième acquis, qui est important, que vous ne verrez pas dans beaucoup de pays d’Afrique, c’est que tout le territoire du Bénin est affermé. Tous les 11 départements concernés par la réforme ont un opérateur qui est redevable de la délivrance de l’eau potable pour les dix années à venir. La stratégie de découpage des 11 départements pour en faire des périmetres d’affermage a été saluée par tous les participants. En effet, l’ANAEPMR a mis les départements densément peuplés et disposant de facilités d’accès à l’eau avec les département moins peuplés ou présentant géologiquement des difficultés d’accès à l’eau. Ce qui donne les trois périmettres suivants : Atlantique+Atacora+Donga; Mono+Couffo+Zou+Collines et enfin, Ouémé+Plateau+Borgou+Alibori. A la suite du processus de mise en concurrence, deux opérateurs couvrent les trois périmettres. SBA des eaux sur le périmettre Atlantique+Atacora+Donga et Omilayé sur deux périmètres à savoir Mono+Couffo+Zou+Collines et Ouémé+Plateau+Borgou+Alibori.
Mise en état de fonctionnement des infrastructures en panne
Le troisième acquis est la mise en état de marche des infrastructures en panne au moment de l’affermage. Dans les onze départements, au moment de l’affermage en 2023, beaucoup d’infrastructures étaient en panne et parfois abandonnées par les anciens gestionnaires ou fermiers. La réforme en cours permet également de réhabiliter, de mettre en état de fonctionnement tous ces équipements qui sont abandonnés. Et d’ici le mois de juin 2025, il n’y aura plus d’AEV qui soient en panne, qui soient abandonnées, qui ne soient pas réparées. Selon le DG Sylvain Adokpo MIGAN, “l’ANAEPMR a réussi, avec l’appui du gouvernement, à mobiliser des fonds, pour assurer la construction et la réalisation de 294 systèmes d’alimentation multi-villages pour approvisionner 5 millions de personnes additionnelles en eau potable. C’est ce que nous sommes en train de faire, pas de charge depuis 2018. A date, 142 systèmes d’alimentation à l’eau potable ont été réalisés et permettent d’alimenter à peu près 2 millions de personnes en milieu rural, faisant passer le taux de décès que nous sommes venus constater en 2016 qui était de 42% à 82,66% à fin 2024”.
Une tarification social et national
Le quatrième acquis, c’est que nous avons un tarif qui est unique et connu de tous les Béninois, annonce le DG ANAEPMR. Il n’y a plus de disparité du tarif. À travers le Bénin, l’eau potable est vendue aujourd’hui aux populations à 15 F CFA la bassine de 25 litres, sur l’ensemble du territoire national. On ne peut pas avoir en milieu rural un tarif diffèrent.
Le branchement en milieu rural à coût zéro au Bénin.
Le kit de branchement est totalement et intégralement supporté par le programme du gouvernement. Les populations n’ont que 10 000 francs CFA à payer qui sont des frais de dossier et non des frais d’abonnement qui sont subventionnés par l’Etat.
Des recommandations après deux jours de travaux
L’ensemble de la réforme et la conduite des contrats d’affermage ont été évalués durant deux jours d’intenses travaux. Pendant les deux jours, les participants ont revisité tous les compartiments du contrat, identifier les points d’amélioration, les constats qui sont faits, afin de dégager huit points de recommandation et quelques points d’attention qui vont être mis dans un dispositif de suivi. Et dans trois mois, chacune des recommandations et des points d’attention feront l’objet d’une nouvelle évaluation.
Globalement, les recommandations portent sur la nécessité de faire évoluer le statut de l’ANAEPMR pour en faire une société de patrimoine. En effet, le statut actuel de l’Agence présente des limites liées à la gestion du patrimoine du sous-secteur de l’hydraulique rurale gage de pérennité et de durabilité dudit patrimoine.
La mise en place un dispositif d’appui pour le contrôle et le suivi périodique des Fermiers. La dispersion des AEV et SAEPmV et leur nombre très important, commande que l’ANAEPMR envisage de créer des antennes au niveau de chaque département ou regroupement de départements et ceci de manière progressive. L’ANAEPMR doit doter de tous moyens nécessaires pour se focaliser davantage sur le suivi et le contrôle périodique de l’exploitation technique et commerciale ainsi que sur la gestion du patrimoine de l’hydraulique rurale. A cela, s’ajoutent la nécessité d’améliorer la communication autour de la réforme, de préserver le paiement à la fin de chaque mois des redevences dues à l’Etat et d’implication des autorités préfectorales et communales dans tout le processus. Les fermiers se sont engagés à associer davantage les maires et les préfets à leurs activités sur le terrain.
Franck KINNINVO