Journée mondiale de l’eau / ‘‘Accélérer le changement pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement’’ : « Un appel à l’action aux gouvernements afin que les engagements pris pour atteindre les ODD soient atteints. » Alain TOSSOUNON, journaliste, président du RAMEC

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Le 22 mars 2023 la communauté internationale comme de coutume, a commémoré la journée mondiale de l’eau autour du thème : « Accélérer le changement pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement ». Une forme d’alerte de l’ONU pour interpeller chaque gouvernement et les acteurs du secteur de l’eau et assainissement sur le respect des engagements pris dans le cadre des ODD à l’échéance 2030. Un thème alerte qui nécessite une évaluation du parcours de chaque nation face aux défis de l’accès universelle à l’eau et à l’assainissement. Quelle compréhension doit-on avoir de ce thème ? Les nations sont-elles dans la bonne dynamique d’atteinte de l’ODD 6 ? Qu’en est-il du cas du Bénin et quelle est la responsabilité des citoyens face à la crise de l’eau et de l’assainissement ? Alain TOSSOUNON est Journaliste spécialiste des questions d’eau et assainissement, président du RAMEC (Réseau des acteurs des médias pour l’environnement, l’eau et le climat), il nous expose son analyse de cette thématique de la 30ème édition de la JME.

 

Le Municipal : Journée mondiale de l’eau autour du thème  « Accélérer le changement pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement », que comprendre de ce thème ? 

 

Alain TOSSOUNON : « Accélérer le changement pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement », ce thème qui a été retenu pour la célébration de la journée mondiale de l’eau édition 2023, est un appel à l’action aux gouvernements afin que les engagements pris pour atteindre les Objectifs de Développement Durable soient atteints. Vu la marche des différents pays vers ces objectifs, il faut absolument donc plus d’effort pour qu’en 2030, le monde puisse atteindre l’accès universel à l’eau et à l’assainissement .Ce thème a été choisi justement aussi parce que depuis 2018, les Nations Unies ont décrété la deuxième décennie internationale de l’eau et nous sommes pratiquement à mi-parcours de ces deux  décennies. C’est pour cela que ce thème a été choisi pour amener les différents Etats et gouvernements à pouvoir donc redoubler d’effort pour que le monde puisse sortir les populations qui vivent encore sans accès à l’eau potable. Malheureusement le monde est confronté à ce manque, car nous avons encore plus de 2 milliards de personnes qui n’ont pas encore accès à l’eau. A ce rythme d’ici 2050 au moins une personne sur quatre vivra probablement dans un pays touché par la pénurie récurrente d’eau. Il faut donc accélérer le changement mais le choix de ce thème se justifie aussi par nécessité pour chacun de nous, de pouvoir promouvoir ou s’approprier les bons gestes pour protéger mais également gérer durablement l’eau potable. Quand on parle de petit geste, c’est d’éviter le gaspillage d’eau au niveau de chaque ménage, au niveau de chaque citoyen. Il faut donc éviter des gestes qui contribuent au gaspillage de cette ressource qui n’est pas une ressource illimitée mais plutôt limitée et qui aujourd’hui est confrontée à une triple pression. Nous avons déjà une première pression qui est due à la pression démographique parce que nous avons une croissance forte de la population qui va avec une demande croissante en eau. La deuxième pression est due aux effets des changements climatiques où nous avons une réduction de la pluviométrie qui agit sur la quantité d’eau disponible. La  troisième pression est due à la dégradation des écosystèmes et des ressources naturelles.

On ne saurait parler de l’eau sans la forêt et pas de forêt sans eau. Si les écosystèmes, les ressources naturelles sont dégradées, cela a une incidence sur la disponibilité des ressources en eau parce qu’il faut que les nappes phréatiques puissent se recharger pour que nous continuons de disposer d’eau potable pour les besoins domestiques, en électricité, en agriculture et pour le développement de façon générale.

Le Municipal : Les nations sont-elles dans la bonne dynamique d’atteinte de l’ODD 6 

 

Alain TOSSOUNON : C’est un thème qui vient interpeller le gouvernement sur la nécessité d’accélérer les progrès qui sont en cours. Et en termes de progrès il faut dire qu’en dehors de l’Afrique, il y a un certain nombre de pays qui aujourd’hui sont déjà arrivés à l’accès universel. En Afrique de l’ouest les progrès sont aussi bons, nous avons des pays comme le Sénégal qui sont autour de 85 à 90% et le Burkina-Faso, le Bénin qui sont autour de 70% d’accès à l’eau potable. Donc on est presque sure que d’ici peu on va atteindre les Objectifs de Développement Durable.

Qu’en est-il du cas du Bénin

Alain TOSSOUNON : Le Président TALON dès 2016 a fait de l’eau et de l’électricité une priorité. Il l’a dit dans son discours d’investiture où il a fait la promesse de faire de l’accès à l’eau potable et à l’électricité un droit inaliénable. On a constaté que depuis l’avènement du programme d’action du gouvernement, le PAG 1, l’eau fait partie donc des secteurs prioritaires. Trois programmes phares ont été consacrés à l’accès à l’eau en milieu rural qu’en milieu urbain. Il y a eu des reformes courageuses qui ont conduit à la création de l’Agence Nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural  qui aujourd’hui s’occupe de tout ce qui est développement, de réalisation , de système d’approvisionnement en eau potable en milieu rural. Il y a tout un volet de gestion de ses ouvrages. Ces reformes nous ont permis de passer de 46% de taux d’accès à l’eau potable en 2016 à 73% en milieu rural à fin 2021. En milieu urbain nous sommes passées de 53% environ à plus de 70%. Il faut préciser que l’année 2021 a été donc retenue par le gouvernement pour pouvoir atteindre l’accès universel. Dans le PAG 2 également la priorité accordée à l’accès à l’eau a été donc reconduite et aujourd’hui les promesses que le gouvernement fait c’est que d’ici 2024 ou 2025 au plus tard, on pourra atteindre l’accès universel.

Au rythme actuel de réalisation de tout ce qui est infrastructure, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain où il y a beaucoup de projets, je crois qu’on est sur la bonne voie pour atteindre l’accès universel à l’eau potable qui a été fixé à l’échéance 2030, retenue par les Nations Unies.

A l’occasion de la journée mondiale de l’eau, dans un premier temps, il faut  féliciter le gouvernement pour avoir inscrit l’accès à l’eau potable comme une priorité et pour les énormes investissements et résultats atteints. Mais comme on le dit souvent, l’eau ne va pas avec l’assainissement. C’est vrai que dans ce sous-secteur le gouvernement a également fait des efforts pour doter un certain nombre de ville de statut de traitement des eaux usées.  Nous avons aujourd’hui grâce au gouvernement une station qui a été réalisée dans la commune d’Abomey-Calavi, une autre à Sèmè-podji et celle de Takon qui est en voie de réhabilitation. Il faut dire que c’est un grand pas qui est fait dans la gestion des boues de vidange.

Votre appel à l’endroit du gouvernement  et des citoyens

Alain TOSSOUNON : Le sous-secteur de l’hygiène et assainissement de base souffre encore d’un manque d’intérêt et d’attention au même titre que le sous-secteur en approvisionnement en eau potable. Donc l’appel est de maintenir le cap par rapport à l’accès à l’eau potable pour que nous puissions effectivement atteindre l’accès universel. Mais également je lance un appel au gouvernement pour que l’accès à l’assainissement et aux pratiques d’hygiène soient élevés au même rang des priorités. Parce que l’eau peut-être potable au robinet, à la source, mais parce que les populations sont encore ignorantes des mauvaises pratiques d’hygiène qui ont des conséquences sur leurs santé, on ne peut pas améliorer les indicateurs en matière de santé, si les populations n’adoptent pas les bonnes pratiques d’hygiène et d’assainissement à savoir : le lavage des mains à l’eau et au savon, l’accès aux toilettes dans les ménages selon les normes. C’est très important qu’on accorde la même attention à l’hygiène et à l’assainissement de base. Ainsi, il faut prendre en compte l’hygiène et l’assainissement dans nos écoles qui ne sont pas encore pourvues en toilettes adéquates aux normes avec de l’eau et du savon, dans nos centres de santé, dans les marchés, dans les lieux publics.

Aujourd’hui nous disposons d’une loi portant hygiène publique qui a été promulguée depuis février 2022. Nous espérons que le gouvernement va s’inscrire dans l’application de cette loi pour que nous puissions également être au rendez-vous de l’ODD 6.2 qui est donc consacré à l’hygiène et l’assainissement de base. Parce que l’ODD 6, c’est l’accès à l’eau et au service de l’assainissement, donc on a fait des progrès en matière d’accès à l’eau, mais il nous faudra les mêmes efforts au niveau de l’hygiène et l’assainissement pour garantir la santé et le bien être de chacun et de tous.

Propos recueillis par Sylvain BAHOUNTCHI

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