20 ans de décentralisation au Bénin/ élections générales : Conjurer la faible représentativité des femmes au sein des conseils communaux par des actions fortes

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A l’heure du bilan des deux décennies de décentralisation au Bénin, le tableau de la représentativité des femmes au sein des conseils communaux reste faible. Les multiples efforts des organisations sociales, des partenaires et associations depuis la première mandature semblent ne pas aboutir. Le taux de représentativité des femmes n’a pas encore franchi la barre des 5%. Cette faible représentativité de la femme dans la gestion des affaires publiques locales par le biais des élections locales devient de jour en jour inquiétant car on note des communes qui, durant les deux décennies de décentralisation n’ont jamais eu la moindre femme élue au sein de leur conseil communal. Plusieurs raisons justifient cet état de chose. Quel est l’état des lieux statistique de la représentativité des femmes au sein des conseils communaux depuis vingt (20) ans ? Quelles sont les raisons qui expliquent cette situation ? Qu’est ce qui est fait pour améliorer la donne ? Autant de questions sur la représentativité des femmes dans l’arène politique locale auxquelles SACCA Ganni Alice, Secrétaire Administratif de la mairie du 11ème arrondissement de Cotonou n’a pas hésité à apporter quelques pistes de solutions.

By Sylvain B.

La décentralisation en République du Bénin a été mise en place en 1990 avec l’adoption d’une nouvelle Constitution qui prévoyait la décentralisation comme principe fondamental de l’organisation territoriale du pays. Ce qui a conduit à l’organisation des premières élections communales et municipales de 2003 à l’issue desquelles  45 femmes ont été élues conseillères sur les 1200 ; soit 3,75%. Parmi ces femmes à cette époque, deux (02) ont pu bénéficier de la confiance de leurs pairs pour être élues maires de leur commune. Il s’agissait des communes de Kétou et de Pobè, toutes dans le département du Plateau.

Au second scrutin communal et municipal de 2008, la donne a changé dans le nombre de femmes maires a diminué, une seule a pu tirer son épingle du jeu, celle de Kérou, malgré l’augmentation du taux des femmes conseillères à 60 par rapport à la mandature de 2003. Une avancée grâce au lobbying et plaidoyer du Réseau des femmes élues conseillères communales (RéFEC) qui était aussi à ses débuts.

A la troisième mandature de 2015 à 2020, le nombre de femmes élues conseillères  est passé à 64 sur les 1435 conseillers soit 4,45%. Deux femmes maires ont pu bénéficier de la confiance de leurs pairs, celles de Ouidah et de Pèrèrè.

La quatrième mandature en cours n’aura pas connu grand changement sur les 1835 conseillers élus dont 79 femmes qui ont pu se frayer un chemin au sein des conseils communaux. Avec 04 femmes maires au départ, Karamatou Fagbohoun autrefois maire d’Adja Ouèrè, a subi un vote de défiance après l’invalidation du siège d’un conseiller de son parti par la Cour suprême. Un vote de défiance qui lui a été fatal contre le conseiller Cyrille Adégbola de l’UP. Le Bénin ainsi durant sa quatrième mandature de décentralisation s’accommode de 03 maires, ce qui malgré l’infirme nombre, est une première dans l’histoire de la décentralisation béninoise.

Facteur défavorisant et suscitant le désintéressement des femmes à la chose politique

Plusieurs sont les facteurs qui défavorisent la gente féminine et qui suscitent leurs désintéressements à la chose politique lors des échéances électorales. Le premier facteur reste et demeure leurs positionnements sur les listes électorales. Le constat général fait état de ce que peu de femmes sont titulaires alors que le poste de suppléant leur est majoritairement réservé. En plus de l’absence d’un mécanisme législatif de promotion de la gente féminine aux postes électifs communaux et municipaux (comme c’est le cas où la nouvelle constitution réserve désormais une place aux femmes députées dans chacune des 24 circonscriptions électorales du Bénin), il y a la question de la manne financière.

Pour la Secrétaire Administrative du 11ième arrondissement de Cotonou, SACCA Ganni Alice, qui a accepté se confier à nous, les causes de ce recul dans le rang des femmes au niveau de la sphère politique sont multiples en dehors du confort financier que nécessitent les enjeux politiques au Bénin. Pour elle les pesanteurs socioculturelles  constituent un frein à l’émancipation politique de la femme. « Dans de nombreuses communautés béninoises, les femmes sont souvent perçues comme n’ayant pas leur place dans les sphères politiques ou comme étant moins capables que les hommes pour assumer des responsabilités et prendre des décisions importantes. Ces stéréotypes et préjugés culturels peuvent décourager les femmes à se présenter aux élections locales ou à s’engager dans la vie politique locale » a expliqué la Secrétaire Administrative, SACCA Ganni Alice.

L’autre pesanteur qui n’est pas la plupart du temps, considérée comme une force majeure inhibitrice à l’essor de la femme en politique est le manque de soutien à la base. Ce soutien qui doit venir de son environnement immédiat (famille, proches professionnels et politiques etc.). Ajouter à tout ceci, on note également le manque de formation et de mentorat de qualité à l’endroit de celles-ci qui parfois, suite aux premiers échecs ou suite à des menaces dans l’arène politique, préfèrent se retirer.

Des pistes de solution en cours et celles à explorer pour 2026

Il est alors  important de prendre en compte ces facteurs et de travailler à la promotion de la participation des femmes à la vie politique locale au Bénin. Cette lutte pour le positionnement des femmes au cœur de la gestion des politiques publiques a été le cheval de bataille de l’ANCB portée par le RéFEC désormais appelé REFELA Bénin, avec l’appui de plusieurs partenaires à travers des projets de sensibilisation et de renforcement de capacité (projet Partenariats Municipaux pour l’Innovation-femmes en Politique Locale ; sélection de 100 femmes aspirantes à la politique au niveau local initié par l’ANCB). Malgré ces efforts et multiples appels des organisations de la société civile, il reste beaucoup à faire pour améliorer la représentativité des femmes au sein des conseils communaux et municipaux au Bénin.

En guise de perspectives, SACCA Ganni Alice, SA de la mairie du 11ième arrondissement de Cotonou, propose un amendement constitutionnel sur de la représentativité des femmes au sein des conseils communaux ou municipaux en République du Bénin comme mesure positive pour encourager la participation des femmes à la vie politique locale. Cela pourrait inclure des quotas de femmes au niveau des 546 circonscriptions électorales des communales (arrondissements) et des mesures incitatives complémentaires pour garantir une représentation minimale des femmes sur les listes de candidats aux élections locales.

Une telle réglementation devrait être élaborée sur consensus avec les femmes concernées, les Organisations de la Société Civile, les partis politiques et l’appui des 29 femmes nouvellement élues députées pour la neuvième législature. Elle devrait également être mise en œuvre de manière progressive, afin de permettre aux femmes de se préparer et de se présenter efficacement aux élections communales et municipales de 2026.

Des formations et des ateliers doivent être organisés pour renforcer les capacités des femmes en matière de leadership, de gestion et de prise de décision. Cela permettra aux femmes de mieux se préparer pour les élections et d’être plus performantes dans leurs rôles de conseillères municipales ou communales.

 

Les partis politiques doivent être encouragés à promouvoir la participation des femmes et à les soutenir dans leur quête de postes électifs. Les femmes doivent être impliquées dans la prise de décision et la planification des activités politiques.

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