Zoom sur la thérapie de choc en cours d’administration à la décentralisation !

20 ans de décentralisation au Bénin

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20 ans de décentralisation au Bénin

Zoom sur la Réforme structurelle du secteur de la décentralisation !

Lancé en 2003 par l’installation, le 7 février de la première assemblée communale, le processus de décentralisation au Bénin a connu des hauts et des bas avant de retrouver un nouveau souffle avec une réforme structurelle qui ne manque pas de susciter polémiques et inquiétudes.

De 2003 à 2021, les maux dont souffrent les communes sont connus. Politisation de l’administration communale. Le personnel politique qui n’est pas casé au niveau national se positionne au niveau local et ramène à la base les batailles politiques du pays. Les élus communaux et municipaux privilégiaient l’engagement partisan et les promotions partisanes ou le clientélisme dans le choix des cadres de l’administration communale sans tenir compte des profils dont les communes ont besoin pour se développer. Ainsi, les communes se retrouvent parfois avec un personnel pléthorique mais dont la contribution au développement local est faible par manque d’adéquation entre le profil et le poste pourvu. « La démocratie locale est en marche mais le bonheur local peine à couronner les divers efforts consentis par l’Etat, les Partenaires Techniques et Financiers et les communes au cours de ces dernières années pour relever le niveau de vie des populations dans les différents secteurs stratégiques comme l’économie locale, l’éducation, la santé et les transports en milieu rural » nous rappelle le rapport du Forum bilan des dix ans de décentralisation au Bénin. A cela s’ajoute les actes délibérés ou inconscients de mal gouvernance qui enlèvent toute efficience à la dépense publique. Des maires achètent des véhicules avec les ressources de la commune et les mettent en leur nom, des chantiers abandonnés sont payés à 75 voire 100%… Le manque d’une bonne planification locale et donc la faiblesse des politiques publiques communales…

La thérapie de choc du Président Patrice TALON !

La réforme envisagée par le Gouvernement est innovante et pertinente, douloureuse et coûteuse. Elle permettra d’avoir des communes dynamiques et capables d’impulser le développement à la base, même si les maires sortent affaiblis de cette réforme. Dans le même temps, le Gouvernement a mis en place un système de rémunération des acteurs qui a facilité leur adhésion à la réforme. Des sources plus ou moins crédibles évaluent à plus de 22 milliards par an les ressources mobilisées pour la rémunération des 77 maires, des 158 adjoints aux maires, des 546 chefs d’arrondissements, des 5290 chefs de village et de quartier de ville et des 1815 conseillers communaux. A cela, il convient d’ajouter les 77 Secrétaires Exécutifs, les autres cadres désignés sur le fichier national des fonctions administratives et techniques  des communes. Ces nouvelles rémunérations s’ajoutent à la masse salariale initiale des communes.

La réforme ne modifie pas les compétences des communes.

Les communes conservent la plupart des compétences héritées de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. Toutefois, avec la nouvelle typologie des communes, une redistribution des compétences et un dimensionnement des services communaux ont été faits selon les statuts. Les communes à statut particulier ayant la totalité des compétences.

Le premier grand changement, la séparation des fonctions politiques des fonctions techniques.

Le maire cesse désormais d’être à la fois président de l’organe délibérant et organe exécutif de la commune. Le maire est donc dessaisi des fonctions exécutives et désormais renforcé dans ses fonctions politiques et dans la supervision de l’administration communale. L’idée qui sous-tend ce rééquilibrage des pouvoirs est de soustraire le maire de l’impact négatif (politique) de la gestion du budget de la commune, des signatures et des nominations.

Trois organes politiques pour la nouvelle commune.

Les organes délibérants de la commune sont le Conseil communal et le Conseil de supervision que préside le maire, auxquels on ajoute le maire qui dispose d’attributions propres. Le Chef d’arrondissement tout comme le chef quartier sont des organes infra-communaux, des autorités subordonnées au maire qu’elles représentent dans l’arrondissement et dans le village ou le quartier de ville.

  • Le Conseil communal reste compétent pour les questions de planification, les grands projets départementaux et intercommunaux, la validation du budget adopté par le conseil de supervision, la création et les taux des redevances locales ainsi que les taux des impôts et taxes dans les limites fixées par la loi de finances. Le Conseil communal reste également compétent pour les projets de coopération avec des institutions nationales ou étrangères. Il reçoit les rapports trimestriels d’activités du maire et délibère sur toute question d’importance qui ne relève pas des attributions d’autres organes de la commune. Les propositions de fusion, de scission et de modification des limites du territoire départemental ou communal et les modalités de règlement des conflits territoriaux avec d’autres communes relèvent également de l’organe délibérant par excellence. Le Conseil communal intervient dans la procédure disciplinaire contre les chefs d’arrondissement.
  • Le Conseil de supervision est en réalité un organe de supervision du secrétaire exécutif. Il est compétent pour (i) approuver le règlement intérieur de la mairie et le Plan de Travail Annuel proposé par le secrétaire exécutif, la grille de rémunération du personnel de la mairie, si elle n’est autrement fixée par des dispositions légales et réglementaires ; (ii) adopter le budget primitif et remanié de la commune, l’organigramme et les procédures de la mairie avant validation par le conseil communal. Le Conseil de supervision que préside le maire (i) assure également le contrôle de la gestion du secrétaire exécutif, (ii) autorise les conventions d’importance significative, (iii) délibère sur les projets d’actes de gestion des propriétés foncières et des domaines de la commune et (iv) examine les rapports d’activités du secrétaire exécutif ainsi que les rapports annuels de performance.

Le Conseil de supervision est consulté par le maire et le conseil communal pour toutes questions liées à l’exercice des pouvoirs propres conférés au secrétaire exécutif.

  • Le maire reste et demeure la première autorité politico-administrative de la commune. Officier d’état civil, officier de police judiciaire, il représente la commune devant les autorités centrales et départementales et dans le cadre de la coopération décentralisée. Le maire est toujours chargé de la police administrative, de la protection civile et exerce le pouvoir réglementaire dans les domaines de compétences de la commune. Le maire veille à la préparation du budget de la commune par le secrétaire exécutif, sur la base des orientations du conseil de supervision et des documents de planification de la commune. Il veille à la bonne gestion de l’administration de la commune par le secrétaire exécutif.

 Un organe exécutif autonome et surprotégé

Le secrétaire exécutif « est le premier responsable de l’administration communale ». Ordonnateur du budget, il assure l’organisation de tous les services communaux et l’exécution du service. Il assure la gestion des ressources humaines, la délivrance des permis et autres autorisations que prévoient les lois et règlements dans les domaines de compétence de la commune. Le secrétaire exécutif assure la gestion des ressources financières et matérielles de la commune, la gestion de l’information et de la communication de la commune, la publication des règlements et représente la commune dans la vie civile.

 

Le secrétaire exécutif est nommé par le maire après tirage au sort dans un fichier national d’aptitude. Le profil est de cadre A1 avec 6 ans d’ancienneté ou de niveau BAC+5 avec 10 ans d’expérience. Le SE dispose d’un mandat de six ans, ne peut être suspendu, mais révocable en cas de faute lourde constatée par le maire ou le préfet. Son répondant au niveau des arrondissements est le secrétaire exécutif d’arrondissement. Le secrétaire exécutif nomme aux autres fonctions et emplois de l’administration communale. Pour certains directeurs, il doit choisir sur un fichier national d’aptitude. Le fichier national d’aptitude des directeurs concerne la personne responsable des marchés publics, le responsable chargé des affaires financières, le responsable chargé des services techniques, le responsable chargé de la planification et du développement local, le responsable des systèmes d’information et le responsable des affaires domaniales.

Des relations entre le maire et le secrétaire exécutif

Les relations entre le maire et le secrétaire exécutif sont essentiellement fonctionnels. Le maire ne peut pas l’instruire sauf dans les cas rares de l’exercice de la police administrative et de la protection civile. Le maire peut également le réquisitionner pour suppléer au dysfonctionnement du service public. Mais cette réquisition peut être défaite par le préfet.

Une tutelle allégée

L’une des fonctions de la tutelle, la plus redoutée par les maires est le pouvoir d’annulation. La réforme du Gouvernement améliore la tutelle subséquemment à l’amélioration de l’administration communale. Ce qui ouvre la voie au déféré préfectoral. Ainsi le juge administratif pourra enrichir le droit de la décentralisation qui, relevant du droit administratif, est prétorien. On peut donc espérer un développement du droit de la décentralisation au Bénin.

La création d’un Fonds d’investissement communal en lieu et place du Fonds d’Appui au Développement Communal.

Il sera mis en place, un Fonds d’Investissement communal, en remplacement du FADeC, abondé principalement par l’Etat pour financer les investissements des communes. L’étude sur le Fonds et les modalités de financement est presque achevée mais non disponible. On ne peut donc pas avoir des précisions sur les modalités. Ce fonds permettra aux communes d’avoir des ressources additionnelles sur le marché financier international. Orienté vers l’investissement communal, le FIC devra inclure le volet fonctionnement dans ses appuis car, certaines communes n’arrivent toujours pas à assurer la totalité de leur fonctionnement sur fonds propres. Mais la grande question demeure la représentation des élus communaux dans l’organe décisionnel du fonds et l’étendue de ses attributions. En attendant la mise en place du FIC, tout le dispositif du FADeC reste en place.

Un cadre règlementaire en application au nouveau code est en place !

Le Gouvernement a pris en conseil des ministres un certain nombre de décrets pour faciliter la mise en oeuvre du code. Il s’agit de :

  1. décret n°2022-111 du 16 février 2022 portant attributions du préfet, organisation et fonctionnement des départements ;
  2. décret n°2022-112 du 16 février 2022 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Conférence administrative départementale ;
  3. décret n°2022-113 du 16 février 2022 portant attributions, organisation et fonctionnement du Conseil départemental de concertation et de coordination ;
  4. décret n° 2022-190 du 16 mars 2022 fixant les rémunérations et les avantages des maires, des adjoints au maire, des secrétaires exécutifs, des présidents de commission, des chefs d’arrondissement, des conseillers communaux, des chefs de village ou de quartier de ville ;
  5. décret n° 2022-191 du 16 mars 2022 portant mise en place du fichier national des principales Fonctions administratives et techniques des mairies ;
  6. décret n°2022-303 du 25 mai 2022 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes ;
  7. décret n°2022-305 du 25 mai 2022 fixant les modalités de contribution de l’État à la rémunération des hauts responsables administratifs et techniques des mairies et le cadre desdites rémunérations ;
  8. décret n°2022-319 du 1er juin 2022 fixant les critères de catégorisation des communes en République du Bénin ;
  9. décret n°2022-320 du 1er juin 2022 portant catégorisation des communes en République du Bénin ;
  10. décret n°2022-321 du 1er juin 2022 fixant le cadre général des règlements intérieurs des conseils communaux ;
  11. décret n°2022-322 du 1er juin 2022 fixant les conditions et modalités de délégation de pouvoirs et de signature du Maire et du Secrétaire exécutif.

 

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