Gestion des effets néfastes de la Covid 19 sur l’économie locale : Les communes subissent des pertes record en matière de recette depuis mars 2020
(Après les privés, nécessité d’un plan de soutien aux finances locales)
Dans les guichets uniques de certaines communes comme Lokossa, Djougou et dans la plupart des recettes perceptions, les recettes communales ont drastiquement baissé. D’environ 35 milliards en 2019 pour les 77 communes, ces recettes risquent d’atteindre leur plus bas tôt depuis 10 ans. Dans certaines communes, il est question d’une baisse de 2/3 des recettes sur la période. Avec la pandémie de la Covid 19, les activités marchandes ont connu un ralentissement un peu partout dans le pays, notamment dans les communes. Les transports ont été affectés, les marchés connaissent moins d’affluence, les services administratifs sont moins demandés. Sur le plans agricoles, les transactions ont fortement diminué. Dans une réflexion publiée récemment, le maire de Djougou annonce une diminution du pouvoir d’achat de ses concitoyens à cause des effets néfastes de la covid 19 sur les transferts de ressources de la diaspora béninoise vers les résidents. Cette tendance est confirmée par les déclarations du FMI. L’institution de Breton Wood a indiqué que « la croissance économique du Bénin devrait décélérer à 3,2% en 2020 en raison des restrictions imposées par la pandémie du coronavirus ».
Occasion pour renforcer les finances locales.
Depuis la mise en place du Fonds d’Appui au Développement des Communes, ce mécanisme permet une bonne redistribution des fruits de la croissance au niveau de chaque région. Dans un contexte de Covid où il est important pour les communes de jouer leur partition sur le plan sanitaire et protection civile sans oublier la fourniture des services sociaux de base aux populations, le renforcement des finances locales est plus qu’une nécessité.
Alors que le soutien opéré par le gouvernement sur le plan socioéconomique est totalement imprévu, l’accroissement des ressources locales est planifié dans les documents de l’Etat et recommandé par les organisations sous régionales dont le Bénin fait partie.
Les engagements du Gouvernement pour le transfert des ressources aux communes.
Depuis 2016, le Bénin peut se réjouir de l’existence théorique d’une volonté politique clairement exprimée de faire des collectivités territoriales les portes d’entrée des politiques de développement, tout en renforçant leurs ressources humaines et financières. Le Plan National de Développement (PND 2018-2025) et le Programme de Croissance pour le Développement Durable (PC2D 2018-2021) ont pris des engagements forts pour la décentralisation. Le PC2D du Gouvernement fixe comme objectif en 2021 que la « Part des transferts aux Collectivités Territoriales dans le total des dépenses du Budget Général de l’État soit d’au moins 15% ». Dans le PC2D, on peut lire :
- Au point 179 : Au plan de la gouvernance financière locale, sur la période 2018-2021, l’accent sera mis sur le développement local, à travers la poursuite des transferts financiers aux communes et la diversification des guichets du FADeC pour faciliter le financement des investissements économiques innovants et structurants par les communes, grâce au Partenariat-Public-Privé. Cette amélioration de la gouvernance se traduira par :
- l’accompagnement et le renforcement de capacités pour une bonne programmation et exécution des budgets communaux ;
- l’amélioration de la qualité du suivi, du contrôle et de l’audit de l’utilisation des ressources mises à la disposition des communes.
- Au point 326 : Les principales actions à engager pour renforcer le processus de décentralisation-déconcentration porteront sur :
- le renforcement des ressources financières des Collectivités Territoriales pour une offre de services sociaux de base de qualité aux populations ;
En ce qui concerne le PND, il met l’accent sur « le renforcement des capacités au niveau local qui doit permettre aux acteurs locaux du développement d’améliorer leurs capacités de gestion du développement local intégrant les questions d’équité et de durabilité du développement.
La lecture combinée des différents documents de planification du développement durable national révèle que le gouvernement du Bénin est totalement engagé et disposé à révéler les communes du Bénin en renforçant leurs capacités techniques et financières.
Les exigences au niveau sous régional
Le Livre Blanc sur la Décentralisation Financière dans l’Espace UEMOA, adopté par le Conseil des Collectivités Territoriales de l’UEMOA, préconise une fourchette de transfert de 20 à 30 % des ressources budgétaires nationales au profit des collectivités territoriales, et ce, à l’horizon 2025. Cette fourchette tient compte des aspirations et revendications constatées dans les différents pays. Au Bénin, l’ANCB a depuis plusieurs années axé son plaidoyer sur le transfert d’au moins 15% des recettes budgétaires. Ce plaidoyer a été pris en compte par le Gouvernement qui en a fait un objectif à atteindre d’ici 2021. A une année d’exercice budgétaire de cette échéance, le Bénin est toujours à environ 4%.
Selon le rapport Gold II 2010, en Afrique, la décentralisation des ressources est moins importante que celle des charges. On constate que, dans une majorité de pays (17 sur 23 pays étudiés), les collectivités locales africaines gèrent moins de 10% des recettes publiques et, dans 11 pays, moins de 5%. Seuls la Tanzanie et le Rwanda dépassent les 20%, suivis de l’Éthiopie, de l’Afrique du Sud et du Nigeria avec des taux allant de 15% à 19%.
Comme l’a indiqué l’ancien Ministre Luc GNACADJA dont sa récente réflexion sur la décentralisation, « Le Président Talon dispose là d’un autre chantier à la mesure de son talent ». Déjà en 2003, Luc GNACADJA avait compris la nécessité pour l’Etat de transférer les compétences et les ressources aux communes afin de se positionner sur les missions de planification, de codification et d’aménagement du territoire. Ainsi, assisté de son Directeur de Cabinet d’alors, M. José Didier TONATO, il a commandité une étude sur les implications de la décentralisation pour le Ministère de l’Environnement, d’Habitat et de l’Urbanisme. Il avait nommé un Conseiller Technique à la Décentralisation, procéder au redéploiement d’une partie de son personnel vers les directions départementales et a amorcé le transfert de tous les projets détenus par son ministère et qui relèvent de la compétence des communes. Les communes à statut particulier étaient les premières cibles. Malheureusement, des cadres de la décentralisation ont soutenu le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation pour que cette initiative soit bloquée en conseil des ministres. Depuis lors, il est question de Plan Décentralisation, Déconcentration qui en fait ont mis du temps à être élaborés et contiennent tout sauf une décentralisation des compétences et des ressources. Les Plan 2 D sont beaucoup plus des documents de déconcentration.
Alors, l’acte 2 de la décentralisation au Bénin est vraiment le chantier à ouvrir. « Le Président Talon dispose là d’un autre chantier à la mesure de son talent ».
Franck KINNINVO