Gestion de la riposte au Covid-19 à la base : L’urgence d’impliquer la décentralisation dans les réponses à la pandémie liée à la Covid-19
Par Malick Seibou Gomina, Maire de Djougou, la 3ème commune la plus peuplée au Bénin avec plus de 340 000 habitants. Ancien journaliste et ancien patron de presse, il est instructeur de la FIFA et élu consulaire de l’UEMOA. Il est Docteur en Communication environnementale.
Les processus de démocratisation connus par les pays africain au cours des années 1990 a conduit les États à également s’engager dans des processus de décentralisation. Mon pays, le Bénin, n’est pas resté en marge de ces réformes de l’administration territoriale. En décembre 2002 et janvier 2003, les élections communales et municipales ont eu lieu et depuis 17 ans, nous sommes dans la phase active de la décentralisation. Les collectivités territoriales, selon les dispositions de l’article 76 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin, assurent la police administrative et la protection civile dans leur territoire de compétence. Malheureusement, la surprise et l’urgence engendrées par l’apparition de la pandémie liée au coronavirus, ont toutefois conduit à une forte centralisation de la réponse des gouvernements qui n’ont pas su impliquer le niveau local dans la gestion de la pandémie.
Les conséquences économiques de la Covid-19 au niveau local.
En m’appuyant sur mes premiers constats sur le terrain et mes échanges avec d’autres maires, la pandémie de la Covid-19 a entraîné une baisse sensible des recettes locales du fait de la baisse des activités économiques dans les territoires. La majorité de la population active est occupée par l’agriculture, l’artisanat, le commerce et le transport interurbain ou inter-état (Djougou est situé à moins de 40 km de la frontière avec le Togo). La restriction des mouvements avec le cordon sanitaire dans le pays et la fermeture des frontières ont renforcé les difficultés des agriculteurs et les acheteurs n’ont pas honoré les rendez-vous d’achat des produits tropicaux comme l’anacarde et le karité. Les services de la ville estiment aux 2/3, le niveau de perte d’activités actuellement. Les finances des communes et des municipalités sont fortement donc mises à rude épreuve. L’arrêt des transactions financières entre la diaspora et les bénéficiaires en Afrique, suite à l’explosion des cas de la Covid-19 en Europe et au Moyen-Orient a affaibli le pouvoir d’achat dans les communes du Bénin. D’ailleurs il a été observé le retour massif des travailleurs issus de la commune de Djougou qui étaient dans des pays comme le Koweït, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis ou l’Algérie. Ces derniers se retrouvent totalement sans revenus et pèsent sur les familles, aggravant ainsi les problèmes sociaux.
Les limites d’une riposte sans ancrage local
L’organisation de la riposte à la Covid-19 au niveau de la commune à travers les sensibilisations, l’installation des dispositifs de prévention (lavage des mains, distribution de masques, travaux pour distanciation sociale), fait apparaître des dépenses nouvelles au niveau des collectivités locales. Dans le même temps, l’État central a fortement limité le transfert des ressources aux communes, préoccupé par la gestion de la crise et l’amenuisement de ses propres recettes. L’administration locale est depuis sa mise en place, le premier point de contact des populations qui perçoivent bien, à travers le Maire et l’hôtel de ville, des représentations de l’Etat. Dans cette relation privilégiée avec les populations, la Mairie dispose ainsi d’une parfaite connaissance des défis et de la nature de la riposte à la Covid-19.
La contribution des collectivités locales à la riposte contre la Covid-19.
Les problèmes varient d’une commune à une autre et l’attitude des populations est fortement influencée par les cultures qui varient d’un bout à l’autre de nos pays en Afrique. C’est pour cela que je suis convaincu qu’une formulation de la réponse à la pandémie qui intègre les communes améliorera les chances d’un impact meilleur. Sur le plan sanitaire, la communication est la première arme contre la propagation du virus, elle requiert toutefois une localisation des messages afin de toucher les audiences locales et de vaincre les résistances liées aux comportements innés et acquis. Dans un environnement avec une multiplicité de langues, s’appuyer sur les communes permet d’être efficace tout en gardant une coordination centrale. Les communes pourront alors utiliser les radios communautaires, les chefs de quartier, les chefs religieux et traditionnels pour divulguer les messages au fur et à mesure des évolutions. Ce sont là des limites à une riposte uniquement nationale qui pose deux problèmes, celui de l’accès et celui de la pertinence. Pour l’accès, utiliser les mairies permet de rapprocher les mesures sociales des populations et d’éviter la création de points d’achoppement comme des coûts importants pour se rendre en ville ou à la capitale, ou même l’exclusivité des moyens digitaux pas toujours bien maitrisés. L’implication des communes dans la proposition des mesures sociales permettra d’être pertinent et de couvrir le maximum des besoins des populations en partant du local au niveau national. Enfin, permettre aux administrations locales de fonctionner en transférant les ressources attendues et en compensant les pertes de recettes locales, permettra à l’État de maintenir la confiance des populations qui attendent des actes concrets selon les différentes études.
Les partenaires techniques et financiers qui appuient les réponses nationales sur le continent doivent être aussi sensibilisés à cette urgence d’inclure la décentralisation dans la formulation et la mise en œuvre de la riposte.
Par Malick Seibou Gomina, Maire de Djougou, la 3ème commune la plus peuplée au Bénin avec plus de 340 000 habitants. Ancien journaliste et ancien patron de presse, il est instructeur de la FIFA et élu consulaire de l’UEMOA. Il est Docteur en Communication environnementale.