Après une année de chaud en direction des communes et surtout des élus communaux et municipaux, le gouvernement de la rupture est entré dans une phase de collaboration avec les collectivités territoriales. Une bonne nouvelle en somme, même si la question de la maîtrise d’ouvrage retarde les valses d’applaudissement. A peine suffisant ou peut mieux faire est-on tenté de dire au président Patrice Talon et son gouvernement en attendant le respect total de l’autonomie locale.
Le Gouvernement de la rupture, depuis octobre 2017, essaie de renforcer ses relations avec les collectivités locales, les 77 filles de la République que le frère aîné de l
a même République a semblé marginaliser de 2016 à 2017.
La première de désamour
Réduction des transferts aux communes à la baisse en 2017, indifférence face à la décapitation des gouvernements locaux, marche sur les platebandes des communes, méfiance envers les exécutifs communaux et surtout absence de la décentralisation dans le Programme d’Action, le gouvernement qui a pourtant bien commencé en perfectionnant la déconcentration sans laquelle la décentralisation ne serait qu’un chantier inachevé, an marqué négativement les esprits.
Le réchauffement des relations
Fort heureusement, le dernier trimestre va sonner le nouveau départ entre gouvernement central et gouvernements locaux, même si certains maires demeurent traumatisés. En effet, le gouvernement de la rupture a tout pour renforcer les fonds FADEC en 2018 en dépassant le record du gouvernement précédent. Le gouvernement a même eu droit à un séminaire sur la décentralisation avec des décisions fortes prises en conseil des ministres. Barnabé Dassigli a même pu déclarer que « la décentralisation est irréversible au Bénin ». De plus, deux grands programmes du PAG font l’objet d’une territorialisation. Et pour cela, nous devons une fière chandelle au ministre du Cadre de vie, José Didier Tonato, un vrai décentralisateur qui l’a prouvé dans ses fonctions antérieures. Directeur de cabinet du ministre Gnacadja, ils étaient les champions des Plans sectoriels de décentralisation. A l’ONU HABITAT, qu’il a représentée au Bénin, ils n’ont d’yeux que pour les communes. Avec l’Union Européenne, il a travaillé sur des programmes de décentralisation avant d’intégrer le Groupe d’Appui de CGLA Afrique pour les sommets Africités où tout tourne autour des collectivités locales. A la BAD, les villes étaient au cœur de ses actions. Rien d’étonnant que le ministre du Cadre de vie soit un ministre de la Décentralisation bis. Deuxièmement, l’Agence National d’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural (ANAEPMR) est sur les traces du ministère du Cadre de vie. Qu’en est-il des autres programmes à cheval sur les compétences communales ? Qu’en est-il de la règle de consultation et d’avis préalable des conseils communaux avant la mise en œuvre des projets sur le ressort de la commune ? Dans le secteur de l’agriculture, de la construction des salles de classe, du social (Projet Arch), la culture, le tourisme… qui sont des compétences communales, que va-t-il se passer ? Mais notre préoccupation du jour reste ciblée sur la maîtrise d’ouvrage communale que l’Etat central conserve quand bien même les communes sont associées à travers un contrat Etat-Communes. Il est vrai qu’avant la rupture les communes subissaient l’invasion des ministères qui débarquent avec des projets conçus depuis Cotonou ou Porto-Novo. Tout le monde se souvient des mobiliers fabriqués à Cotonou pour une commune du nord sérieusement affectés par le transport. Mais le pas du gouvernement de la rupture peut être plus franc et plus légaliste en responsabilisant les administrations communales. Le gouvernement définit les normes, valide la planification communale et met les ressources à la disposition des communes avant de s’assurer de leur bonne gestion (à priori ou à posteriori).
On peut comprendre (avec beaucoup de réserve d’ailleurs) que le gouvernement conserve la maîtrise d’ouvrage pour un programme national élevé au rang de priorité (Programme pour l’Accès Universel à l’Eau Potable en Milieu Rural par exemple). La loi N°2001-7 du 9 mai 2001 portant maîtrise d’ouvrage publique en son article 1er, entre autres, semble préconiser qu’« il appartient au maître d’ouvrage :
– de s’assurer de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération ;
– de déterminer sa localisation, s’il s’agit d’un ouvrage ;
– d’en définir et d’en adopter le programme ;
– d’en arrêter l’enveloppe financière prévisionnelle ;
– d’en assurer le financement ;
– d’en choisir le mode de réalisation, conformément au code des marchés publics… ».
Autrement dit, « celui qui détient la farine contrôle la pâte » ou encore celui qui mobilise les ressources a un droit de regard. Encore que la commune reste un démembrement de l’Etat. Seulement, le Grand Nokoué aurait pu être la perfection gouvernementale en matière de transfert des compétences et des ressources aux communes. On aurait pu inciter les communes à créer un EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunal) qui va gérer le Grand Nokoué. Le gouvernement peut même en imposer le directeur général aux communes. Mais la Rupture aurait pu faire progresser le Bénin de façon qualitative dans le domaine de la décentralisation. Il n’est pas trop tard pour bien faire.