Polémique autour de la suspension de maires: Quel sens donner à un débat à la fois politique et éthique ?
A la suite de la deuxième suspension prononcée par le ministre de la décentralisation, Barnabé Dassigli, des voix s’élèvent pour faire remarquer que les suspensions ne touchent que des maires théoriquement de l’opposition. Un débat qui interpelle les autorités mais également l’éthique politique et celle de la décentralisation.
Ne doit-on pas engager une procédure pour faute lourde contre un maire simplement parce qu’il est de l’opposition ? A priori, le débat sur les deux suspensions de maire ne devrait pas avoir lieu. La procédure pour faute lourde est une mesure disciplinaire et donc contradictoire, permettant à la partie incriminée de faire valoir ses arguments de défense. Dans ce contexte, il est au courant des faits qui lui sont reprochés et prend connaissance des éléments à charges et des textes de lois qui est censé avoir violés. De ce point de vue, on devrait éviter toute polémique dans une procédure pour faute lourde comme ce fût le cas pour Léhady Soglo et Casimir Sossou.
Les lois sont claires.
A la différence de la destitution où le maire se présente devant ses bourreaux pieds et mains liées, la procédure pour faute lourde donne des marges de manœuvre au maire surtout quand il n’a rien à se reprocher.
Plusieurs textes de loi et plusieurs décrets traitent de la question de la faute lourde. Selon l’article 20 de la loi n°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin, « …Le conseil départemental de concertation et de coordination connaît en outre des fautes lourdes reprochées aux maires et aux conseils communaux. Les délibérations du conseil départemental de concertation et de coordination donnent lieu à des recommandations aux préfets. Et c’est l’article 55 de loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin qui détermine les faits qualifiables de fautes lourdes : « Constituent des fautes lourdes, au sens de l’article ci-dessus, les faits ci-après :
- utilisation des fonds de la commune à des fins personnelles;
- prêts d’argent effectués sur les fonds de la commune ;
- faux en écritures publiques ;
- refus de signer ou de transmettre, à l’autorité de tutelle, une délibération du conseil communal ;
- vente ou aliénation abusive des biens domaniaux ;
- toutes autres violations des règles de déontologie administrative ».
Deux maires de l’opposition épinglés : hasard ou élimination politique ?
La loi doit être la même pour tous les acteurs, dans les mêmes conditions. Seulement, dans un pays en transition démocratique, cette réalité est encore plus vraie pour un maire de l’opposition que pour celui de la mouvance au pouvoir. En réalité, être opposant à un régime qui détient les attributs de l’Etat dont le monopole de la sanction, ne serait-ce qu’administrative oblige le maire théoriquement opposant à respecter à la lettre la loi dans son sens général. Autrement, on offre à son adversaire politique le bâton pour frapper légalement et souvent légitimement. Existe-t-il des maires de la majorité présidentielle susceptible de faire l’objet de procédure pour faute lourde ? Très certainement. Seulement, leur cas n’est pas à l’ordre du jour et les deux suspensions assorties de révocation diligente pour la première sont basées sur la loi jusqu’à ce qu’une juridiction compétente en atteste le contraire. A partir de cet instant, le débat de politisation des procédures pour faute lourde ou de deux poids deux mesures ne serait qu’un débat déloyal, un prêt d’intention à quelqu’un qui se positionne comme un légaliste sur fond de moralisation de la vie publique communale.
Le fourretout de la 6ème faute lourde
La loi énonce la 6ème faute lourde comme suit : « toutes autres violations des règles de déontologie administrative ». Ce point est un fourretout qui expose le maire inutilement car on peut mettre beaucoup d’élément dans cet alinéa. Vivement que le toilettage des textes touche cet aspect des lois.