Réformes Structurelle du Secteur de la Décentralisation : Avis de quelques autorités et cadres sur les points culminants du projet

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Dix-huit ans après l’expérimentation d’un premier modèle de gouvernance à la base qu’est  la décentralisation, une politique qui consacre une certaine autonomie  dans la gestion des régions vis-à-vis du pouvoir central, le Bénin est passé à de nouvelles réformes dans ce mode de gestion, annoncé au Palais des congrès le 21 septembre dernier où les grandes lignes de cette reformes  ont été exposées aux maires, leurs adjoints et les préfets des douze départements sous l’égide du Président  de la République, Patrice Talon. Ces reformes structurelles, depuis leur annonce effectuée par le gouvernement, font couler beaucoup d’encre et de salive sous plusieurs aspects, de la part des spécialistes de gouvernance locale, des analystes politiques, des élus communaux et locaux et cadres etc. voici un ramassé  de leur analyse et point de vue sur la refonte du système de gestion des collectivités locales.

 

Ces réformes structurelles annoncées par le gouvernement touchent plusieurs aspects des compétences des communes et des attributions des autorités politico administratives. Entre autres aspects brulants abordés par plusieurs cadres citoyens béninois, il y a la séparation des fonctions politiques de celles techniques où le maire est désormais confiné dans son rôle politique et première autorité de la commune et un Secrétaire exécutif chef des fonctions administratives et techniques de la mairie et ordonnateur du budget  communal nommé par le maire dans un fichier national fourni par le gouvernement, l’autre aspect est la création du fond d’investissement communal (FIC) à la place du FADeC et la nouvelle catégorisation des communes  qui dispose désormais au Bénin, trois types de commune dont les communes à statut particulier, les communes  à statut intermédiaire et les communes  à statut de droit commun.

Moukaram  Badarou DC/Président de l’Assemblée Nationale

Parmi les intervenants sur ces divers aspects  de la réforme nous avons suivi, monsieur Moukaram A.M. Badarou, actuel directeur de cabinet du président de l’Assemblée Nationale, ancien préfet de l’Ouémé/Plateau, qui a intervenu sur la radio de l’hémicycle. Au regard de son expérience en tant que préfet, il a apprécié la pertinence des futures réformes du gouvernement du Président Patrice Talon dans le secteur de la décentralisation et a montré leurs avantages aux maires.

L’ancien Préfet a souligné que les mesures à venir dépolitiseront la gestion à la base. A cet effet, il  a indiqué qu’il y avait trop de combines politiques qui entravent le bon fonctionnement des Mairies. Pour s’expliquer, il a déclaré qu’il y avait trop de destitutions des Maires à tort ou à raison à cause des intérêts inavouables et inavoués. De la même manière, beaucoup se retrouvent en prisons ou devant les tribunaux. Selon son décryptage, pour calmer les esprits, les autorités communales ou municipales faisaient des deals qui les exposaient à la rigueur de la loi. « Chacun souhaitait qu’il y ait des réformes dans ce secteur. Les nouvelles réformes vont permettre de mettre de l’ordre dans les choses. Quand la politique se mêle à gestion l’orthodoxie déserte le forum … », a-t-il fait savoir. A l’en croire, lorsque le Maire va s’éloigner de la gestion surtout financière, tout le monde va se concentrer sur les questions du développement.

Luc GNACADJA, architecte et ancien ministre

L’ancien ministre de l’environnement et de l’urbanisme et architecte de profession  Luc GNACADJA a fait savoir sur son compte Linkedin que : « La professionnalisation de l’exécution budgétaire et de la reddition de comptes au niveau communal telle qu’envisagée dans le projet de réforme de la décentralisation est un bon pas dans la bonne direction.

Selon lui : « L’épreuve de vérité de cette réforme…réside dans la nature, l’ampleur et les mécanismes de transferts effectifs aux communes des compétences (et ressources humaines et financières y relatives) telles que dévolues par les lois de décentralisation ainsi que de l’efficacité des mécanismes de contrôle à posteriori de la qualité de la dépense.

Pour ainsi instiguer une réforme pareille, il a conclu en 2020 sa tribune intitulé ‘‘Doter le Bénin d’une décentralisation effective pour impulser le développement local: l’autre défi de la Rupture’’ on pouvait lire dans ses lignes, le courage et les potentialités qu’il reconnait au Chef de l’Etat Patrice Talon capable de reformer la décentralisation béninoise : ‘‘Il apparaît évident que la décentralisation souffre au Bénin de l’absence d’un vrai portage politique. Elle n’a pas de véritable parrain politique capable de faire bouger les lignes. Le Président Talon dispose là d’un autre chantier à la mesure de son talent.”

 

Amzat AGUÊMON, élu local de Cotonou

Selon Amzat AGUÊMON, élu local de Cotonou, Chef quartier de Dantokpa, la réforme sur la décentralisation est la bienvenue dans un contexte de gouvernance locale marquée par des irrégularités de tout genre qui plombent le réel essor de nos communes. « L’administration locale sera désormais plus performante parce que débarrassée de toutes compromissions et des vices qui faisaient le lit à la mauvaise gouvernance à la base. »

Mais il  préconise tout de même que la nouvelle loi soit en vigueur pour une période donnée, le temps de remettre les choses à l’endroit. Il serait donc plus opportun d’expérimenter le nouveau dispositif de façon transitoire afin que les élus communaux ne soient pas débarrassés définitivement de certaines de leurs prérogatives de prestige.

C’est une évidence que les élus locaux constituent un maillon important dans la mise en œuvre des plans de développement  à la base, car étant plus proche des populations, Malheureusement, ils sont demeurés les « enfants pauvres » des réformes. Leurs conditions de vie et de travail laissent toujours à désirer.

Se référant à la réforme structurelle qui concerne les élus communaux, Amzat AGUÊMON se demande ce qu’il en est des élus locaux. Il fait ainsi trois propositions visant à légiférer et reformer le fonctionnement et l’élection des élus locaux.

1- L’exigence d’un profil pour le poste de chef de quartier ou de village

Face aux enjeux colossaux de développement à la base et en arrimage avec les ambitions contenues dans la réforme structurelle sur la décentralisation, les élus locaux et principalement les chefs de quartiers ou de villages devraient être à même de s’approprier les textes et lois régissant notre pays pour mieux les appliquer. Loin de toute idée d’exclusion, cette réforme viserait à donner plus de contenu à la fonction de chef de quartier ou de village.

Déterminer un profil de la qualité de l’acteur à l’instar des défis majeurs des réformes structurelles de la décentralisation, aura le double avantage de concilier un temps soit peu les dissensions internes aux partis pour la désignation des candidats et de performer l’exercice.

2- La formation régulière des élus locaux sur des thématiques de développement à la base

À l’instar des élus communaux et municipaux, les élus locaux ont également besoin de formation et de recyclage en temps réel pour être aptes à affronter les réalités et défis de développement. Le développement devrait être un mouvement d’ensemble et tous les maillons de la chaîne doivent être huilés en permanence dans une logique d’implication collective et de progrès collectif.

3- Ébaucher, débattre et confirmer une personnalité juridique aux chefs de quartiers, de villages et élus locaux

À ce jour, les chefs de quartiers et de villages ainsi que les conseillers locaux n’ont pas un statut juridique digne à même d’insuffler un épanouissement personnel aux fins d’un accompagnement et d’une efficience d’exemplarité

– Ils sont sans couverture sociale, sans salaire conséquent et sans bureau.

-Leurs domiciles leur servant de bureau, exposant ainsi leur intimité familiale à tout venant et à tous les risques.

Pour pallier tout cela, Amzat AGUÊMON propose que le gouvernement et le parlement se saisissent du dossier pour instaurer une nouvelle loi conséquente en collaboration avec les élus locaux.

Une relecture pragmatique des textes se laissant désirer, irait simplement dans la logique du gouvernement qui veut que chaque acteur de développement soit placé à sa juste place pour donner le meilleur de lui-même.

Pierre Sekou Awadji, ancien maire de Lokossa

L’ancien maire de Lokossa Pierre Sekou Awadji n’est pas resté en marge des multiples commentaires qui ont meublé ces réformes structurelles de l’Etat. Ayant connu toutes sortes de blocage dans la mise en œuvre de quelques lignes phares du budget communal, courant la troisième mandature de la part d’une manche de conseillers, l’ancien maire au micro  de l’Agence Bénin Presse a trouvé salutaire.

L’autre volet du projet de réforme qui a réjoui le maire Awadji, c’est l’épineuse question du niveau d’étude des agents des collectivités locales. Il affiche une parfaite adhésion aux nouvelles dispositions introduite.

« En matière d’administration communale, il faut des cadres pour pouvoir faire face aux problèmes. Sans cadre ça ne peut pas aller, puisque ce sont eux qui aident le maire à tort ou à raison. (…) il est question de choisir l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, pour que le travail aille au mieux  » a laissé entendre Awadji. Pour lui, la qualité des ressources humaines dans l’administration communale est strictement liée au développement.

KOMLAN Christophe, Ancien Conseiller Technique à la Mission de Décentralisation/ MDGLAT

Par rapport à la sensible question liée à l’ordonnancement du budget communal désormais confié au Secrétaire Exécutif des mairies désormais chef de l’administration communal, qui fait émousser les ardeurs de part et d’autres, l’Administrateur Civil à la retraite et Ancien Conseiller Technique à la Mission de Décentralisation/ MDGLAT, KOMLAN Christophe clarifie quelques points d’ombres liés au processus d’élaboration du budget communal et sa mise en œuvre qui n’est pas l’apanage du seul Maire, mais de toute une équipe qui se consacre à son élaboration : « Le budget bien qu’étant un document politique et surtout  un instrument de mise en œuvre des actions de développement,  est  avant tout l’expression chiffrée des options ou de la vision de développement de la collectivité. Sa préparation n’est pas  l’apanage du seul Maire qui n’est rien d’autre que responsable de son  exécution en tant que l’ordonnateur du budget selon l’esprit et la lettre des textes de la décentralisation jusqu’ici en vigueur au Bénin… Il est donc exagéré de dire que le budget  est  pour le seul Maire, un instrument ou un moyen de mise en œuvre de sa vision ou de son programme de développement de la cité qu’il administre. C’est le fruit par excellence d’un travail de groupe. On ne saurait par conséquent,  attribuer sa paternité à aucune autorité politique,  fut-il,  Maire ou Secrétaire Exécutif ».

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