Le 17 mai 2020, les Béninois iront aux urnes pour accomplir un acte unique dont les enjeux sont les plus importants en matière électorale et couvrent les plans politique, développemental et démocratique. Il est important de cerner chaque type d’enjeux afin de faire le bon choix pour le Bénin à travers un vote dont la circonscription électorale ne dépasse pourtant pas les limites d’un arrondissement.
Le parrainage des candidats à la présidentielle
Les articles 41 et 132 du Code électoral instituent le parrainage des candidatures à la présidentielle par les députés et les maires à hauteur d’un minimum de 10% pour sa prise en compte. Nous avons 83 députés et 77 maires. Ce qui fait un total de 160 élus. Il faudrait à tout candidat à la présidentielle au moins 16 parrainages. Si les 83 députés sont tous acquis à la majorité présidentielle, le reste de la classe politique ne pourra donc se contenter que des 77 prochains maires. Ce qui fait des communales et municipales de mai prochain les primaires de la présidentielle de 2021. Dans ce contexte, il est fort à parier que les différents partis politiques jettent toutes leurs forces dans cette bataille comme s’il s’agissait d’un scrutin politique. Or, le seul fait de confier la gestion du contentieux à la Cour Suprême à travers la Chambre Administrative indique la nature moins politique de ces élections.
10% au niveau local et au niveau national au moins pour une prise en compte dans le partage des sièges !
Les élections communales et municipales de mai 2020 réservent des surprises aux candidats et aux électeurs surtout si les votes ne sont pas orientés vers les grands regroupements. En effet, l’article 184 du Code électoral dispose « Seules les listes ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national, sont éligibles à l’attribution des sièges… ». Dans cette configuration, la palme reviendra aux grandes formations politiques. Ce qui correspond à l’orientation de la réforme du système partisan engagée par le gouvernement. Par contre, des candidats peuvent être gagnants le jour du vote et être éliminés lors de la publication des résultats par la CENA. Simplement parce que leur liste n’aura pas recueilli 10% de vote à l’échelle nationale. Il y a là une influence nationale inacceptable dans un scrutin local. Les codes électoraux antérieurs prévoyaient pour les communales et municipales l’obligation d’un taux de suffrage exprimé d’au moins 10% dans l’arrondissement qui correspond à la circonscription électorale. Avec le code électoral de 2019, les 10% sont confirmés au niveau national et au niveau de l’arrondissement. Article 187.3 : Une fois effectuée l’attribution visée à l’alinéa précédent, les sièges restants sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne à l’exclusion des listes ayant obtenu moins de dix pour cent (10%) des suffrages exprimés. Article 187.5 : Si aucune liste n’a recueilli ni la majorité absolue ni les quarante pour cent (40%) au moins des suffrages, les sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne à l’exclusion des listes ayant obtenu moins de dix pour cent (10%) des suffrages exprimés. La palme est totalement aux grandes formations politiques et il ne fera pas bon vivre pour les petites formations quand bien même elles auront un ancrage local fort.
La mort programmée des FCBE ?
Alors que les Forces Cauris pour un Bénin Emergent étaient attendues pour donner un coup d’arrêt à l’ascension fulgurante des blocs présidentiels, cette formation politique enchaîne les mauvaises nouvelles et risque de se retrouver dans un rôle de limitation des dégâts pour ne pas perdre la face. Du coup, alors que ce scrutin n’a rien de politique, il pourra sonner le requiem des FCBE et acter la recomposition de la classe politique au profit du Président Talon, surtout en l’absence de Candide Azannaï et de Sébastien Ajavon et d’un certain Komi Koutché.
L’héritage de Komi Koutché (KK) absent du scrutin
C’est le vrai chouchou de la jeunesse à la fin du règne du Président Boni YAYI. En moins de quatre années au pouvoir, KK a tisé sa toile dans toutes les communes du pays au point de compter sérieusement parmi les favoris de la présidentielle de 2016. Malheureusement, son mentor ne va pas lui faire confiance au moment où il le fallait et son héritage risque de disparaître avec ce scrutin sans sa participation, sans son ombre. Une absence aux conséquences irréversibles ?
Retour à un scrutin inclusif, l’autre enjeu de politisation
Les communales et municipales de mai prochain s’annoncent comme des élections plus inclusives que les législatives passées. Du coup, toute la classe politique voudra y participer. On verra de vieux briscards de la politique béninois et une mainmise totale des apparatchiks. Une forte politisation est à craindre surtout en l’absence des indépendants qui auraient pu arbitrer ce scrutin qui a le mérite d’être convoqué à bonne date.
Les préfets et autres commis de l’Etat peuvent désormais se présenter
Pour la première fois dans l’histoire de la décentralisation, les préfets, les secrétaires généraux et les chargés de mission de préfecture en exercices, les magistrats en activité dans les différents ordres de juridictions, les juges non magistrats de la Cour suprême, les personnels militaires des forces de sécurité publique, les agents des eaux et forêts et de la douane peuvent prendre part aux élections communales et municipales sans avoir à démissionner un an avant le scrutin. Il s’agit d’une réforme imposée par la jurisprudence de la cour constitutionnelle Djogbénou. Désormais, « Sont incompatibles aux fonctions de maire, d’adjoint au maire, de chef d’arrondissement et de conseillers communaux ou municipaux, les fonctions d’agents de la mairie ou d’arrondissement ».
Sakinatou KABA