Suspension du CA de Glo-Djigbé pour opinion politique déloyale sur les médias sociaux : Comprendre la différence entre faute administrative et faute politique !
(Un cas d’école pour les juges administratif et constitutionnel)
Suspension du CA de Glo-Djigbé pour opinion politique déloyale sur les médias sociaux
Comprendre la différence entre faute administrative et faute politique !
(Un cas d’école pour les juges administratif et constitutionnel)
Par arrêté N°21/004… du 05 mars 2025, le maire d’Abomey-Calavi, après demande d’explication et une session extraordinaire en date à Abomey-Calavi du 04 mars 2025, a prononcé la suspension du Chef d’Arrondissement de Glo-djigbé. Une interprétation extralarge de la faute lourde qui mérite d’être analysée et surtout d’être soumise au contrôle de légalité du juge administratif local et au contrôle de constitutionnalité, étant entendu qu’elle ratisse largement dans le champ de la Constitution quant à la liberté d’expression.
L’édile d’Abomey-Calavi, probablement interpellé par les propos déloyaux du Chef d’Arrondissement de Glo-Djigbé, a engagé contre ce dernier, une procédure pour faute lourde. Procédure qui a prospéré à la mairie et au niveau du Conseil départemental de concertation et de coordination. Les regards sont désormais tournés vers le préfet de l’Atlantique car, cette procédure prévue par le Code de l’Administration Territoriale vise, la suspension mais surtout la révocation de l’élu de toutes ses fonctions au sein des organes exécutifs de la commune.
Les faits.
Le Chef de l’Arrondissement de Glo-Djigbé a fait des commentaires pour le moins déloyaux envers la gouvernance du pays sur le forum des élus municipaux de la commune d’Abomey-Calavi. L’analyse des propos du CA que le maire a pris soin de rappeler dans sa demande d’explication, montre à suffisance les réserves du Chef d’Arrondissement envers la gouvernance du pays à laquelle contribue son parti politique, l’UPR.
Mais doit-on conférer au Chef d’Arrondissement le même dédoublement fonctionnel qui est légalement reconnu maire ? Puisse que le maire semble y faire allusion dans sa demande d’explication. Le dédoublement fonctionnel est un mécanisme légal qui permet à une même autorité d’agir pour le compte de deux personnes morales différentes. Le maire agit au nom de la commune dans les domaines de compétence propre. Dans ce cas de figure, aucun lien de subordination ne peut lui être imposé. Seule la tutelle opère. Mais lorsque le maire agit pour le compte de l’État, dans les domaines régaliens comme la sécurité, l’organisation des élections, la diffusion des lois et la police judiciaire, le maire opère comme un service déconcentré de l’État et devient une autorité subordonnée du Préfet. Contrairement au maire, le CA n’est pas à la tête d’une personne morale. L’article 149 de la loi n° 2021 -14 du 20 décembre 2021 portant Code de l’Administration Territoriale en République du Bénin dispose clairement du statut de l’arrondissement : « La commune est démembrée en unités administratives locales sans personnalité juridique ni autonomie financière. Ces unités administratives locales qui prennent les dénominations d’arrondissement, de village ou de quartier de ville sont dotées d’organes infra-communaux fixés par la présente loi ». Mais par extrapolation, le Chef d’Arrondissement, étant sous l’autorité du maire, représente d’une manière ou d’une autre l’État sur son territoire. Une chose est certaine, administrativement, la CA est dans une position de subordination au maire qui peut lui flanquer une demande d’explication et engagé contre lui, une procédure pour faute lourde. Mais il faut distinguer entre la faute administrative et la faute politique. Le cadre législatif de la décentralisation au Bénin fait bien cette distinction et dispose des procédures appropriées. La destitution pour les fautes politiques (juste une procédure à respecter, sans possibilité à un juge quelconque d’examiner le fond), la suspension et la révocation pour les fautes administratives jugées lourdes. Mais le maire d’Abomey-Calavi, oblige désormais le juge administratif à connaitre éventuellement d’un cas de faute lourde (administrative) tirée d’une faute politique.
Le pari risqué du maire
Le maire a décidé de mettre en place, une procédure de révocation du Chef d’Arrondissement. Cette procédure transparait dans l’envoi d’une demande d’explication, la convocation d’une session extraordinaire et la prise d’arrêté de suspension, en attendant une révocation du CA qui redeviendra simple conseiller municipal. Il convient donc d’examiner les propos du CA à la lumière de la notion de faute lourde. Selon l’article 119 du Code de l’Administration territoriale, « constitue une faute lourde : (Premièrement), tout fait réprimé par la loi pénale et constitutif d’une atteinte à l’honneur ou à la probité ; (deuxièmement), toute violation des règles de déontologie administrative : (1) représentant un manquement grave au devoir ou un abus de pouvoir ; (2) qui induit un dysfonctionnement grave dans l’exécution ou le fonctionnement du service public ; (3) qui porte gravement atteinte aux intérêts de la commune.
Dans l’esprit de l’arrêté de suspension, le maire s’appuie probablement sur la notion de « violation des règles de déontologie administrative (3) qui porte gravement atteinte aux intérêts de la commune » puisqu’il s’agit du non-respect de l’obligation de réserve. L’obligation de réserve est une notion administrative qui oblige tout détenteur de tout ou partie de pouvoir administratif de ne pas divulguer ou s’exprimer sur les informations liées à une délibération ou un dossier administratif. Selon le gouvernement français, observer l’obligation de réserve c’est « faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ». Le premier point de faiblesse de la procédure de la mairie d’Abomey-Calavi est que les propos du CA Glo-djigbé portent sur l’actualité relayée par les médias et les réseaux sociaux. De plus, ces faits ne peuvent pas faire l’objet de traitement ni au niveau de son arrondissement, ni au niveau de la commune.
Enfin, la faute lourde ne peut être commise que dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, comme le disposent l’article 183 du Code de l’administration territoriale : « En matière administrative, le chef d’arrondissement qui commet une faute lourde peut être révoqué de ses fonctions ».
L’exercice de la discipline du parti, la meilleure approche pour le maire
Les propos du Chef d’Arrondissement, pour autant qu’ils sont pris au sérieux, constituent un manque de loyauté envers l’UPR qui peut lui retirer sa confiance en vue de sa destitution. En effet, l’Article 195 nouveau du Code électoral prévoit la perte de confiance d’un élu communal en charge d’une responsabilité dans la commune : « Le vote de défiance est acquis à la majorité absolue des conseillers, si l’intéressé a perdu par ailleurs la confiance du parti ayant présenté sa candidature à l’élection communale ». La procédure politique qui permet de résoudre l’équation du CA Glo-Djigbé est sa destitution pour désaccord grave et crise de confiance. Normalement, le désaccord grave devrait porter sur la politique communale. Elle peut bien porter sur la gouvernance du pays, étant entendu que l’UPR est le premier parti politique de la majorité présidentielle, formation politique dont est issue la majorité municipale d’Abomey-Calavi dont font partie le maire et le CA incriminé. La crise de confiance révèle un agissement qui fait que la majorité des conseillers UPR de la commune et donc la haute direction du parti, ne font plus confiance au CA de Glo-Djigbé. Mais dans le cas d’une destitution, il faut tout au moins réunir la majorité absolue des conseillers municipaux et compter sur un retrait de confiance de l’UPR que dirige le Président Joseph F. Djogbénou, un érudit du droit.
Pour le CA qui a manqué de loyauté et de prudence, plusieurs voies de recours se présentent à lui :
- le juge administratif pour dire si oui ou non, les opinions du CA sont susceptibles d’être considérés comme une faute lourde;
- le juge constitutionnel pour recadrer ou non la liberté d’expression d’un Chef d’Arropndissement, bien qu’étant membre d’un parti politique.
Telle que lancée, la procédure devrait aller à son terme et n’aura de suite que si l’un ou l’autre des juges administratif ou constitutionnel est saisi.