Interview avec la maire Yawa KOUIGAN, Présidente de la Faîtière des Communes du Togo : La coopération décentralisée sud-sud comme moteur de la construction d’une CEDEAO des peuples !

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A l’état civile, Yawa KOUIGAN, Togolaise, la Présidente de la Faîtière des Communes du Togo se définit comme une Africaine née au Togo. Juriste de formation, spécialiste en communication institutionnelle, élue locale depuis 2019, maire de la commune OGOU 1 chef-lieu Atakpamé, également le chef-lieu de la région des Plateaux, la deuxième région administrative du Togo, la brillante Yawa KOUIGAN préside depuis novembre 2020 la Faîtière des Communes du Togo (FCT). Lors de son passage à Cotonou, en mars 2022, l’Amazone des communes du Togo a bien voulu répondre à quelques questions de la Rédaction du Journal Le Municipal et du site www.lemondelocal.com

Quel aperçu sommaire pouvez-vous nous faire de la  décentralisation au Togo ?

La décentralisation au Togo peut s’entendre d’un certain nombre de chiffres qui sont d’essence plutôt récente, avec la prise des derniers textes, notamment la loi portant création des communes. Cette loi a donc communalisé tout le territoire, ce qui veut dire que les 56 600 km² du territoire togolais sont répartis en 117 communes elles-mêmes relevant des cinq (5) régions administratives, en plus de la grande entité de la capitale qu’on appelle le Grand Lomé. De façon classique, les communes ont pour base les cantons, nous en avons 374 au total.

 

Pourquoi  Faîtière des communes et non Association ?

C’est une réflexion que nous avons menée en amont de la création de la faitière qui en réalité reste une association à ce stade. Nous sommes en train  de réfléchir à un positionnement institutionnel un peu plus orienté vers le public. C’est une association, un regroupement de nos 117 communes parce que ce qu’il faut dire que c’est toutes les communes du Togo qui ont volontairement adhéré à la faitière des communes du Togo. La faitière est une sorte de superposition des communes et de transversalité mais aussi les transcende. Nous regroupons les communes en un creuset pour leur permettre d’être ensemble et de bénéficier de cette vielle sagesse qui dit que l’union fait la force. Elle peut se positionner en réalité comme un interlocuteur à la fois un creuset de discussion, d’échange, de renforcement des communes entre elles mais également un interlocuteur vis-à-vis du pouvoir central pris d’une façon générale qu’il s’agisse de la tutelle ou simplement de l’Etat Togolais, un interlocuteur également des partenaires étrangers et depuis quelques heures vous l’avez vu, nous avons tenu à avoir un partenariat avec la ANCB. Ce que je souhaite c’est que  la faitière des communes du Togo soit la maison de toutes nos communes, à la fois collectivités territoriales mais également de tous les élus et j’aime bien également dans l’orthographe de ‘‘ Faîtière’’ cet accent circonflexe que nous conservons sur le « î » et qui fait que nous travaillons à ce que cette association que dénommons faîtière soit au final la maison de toutes nos communes.

Vos ambitions à la tête de la  FCT

Pour synthétiser, je dirais que nous avons un certain nombre de priorités. Avec le petit recul que nous avons en termes de décentralisation, nous avons tenu les élections locales au mois de Juin et Août 2019, notre « priorité première » si je peux me permettre cette insistance, est le renforcement de capacités à la fois au niveau des élus pour être en capacité de prendre en charge leur mandat, d’avoir de l’impact, l’une des plus-values de ce système de gouvernance locale, mais également un renforcement de capacité de nos administrations communales. Les élus sont généralement des acteurs plutôt politiques ou de la société civile mais qui sont membres du conseil communal parce qu’ils ont proposé une vision ou des projets à leurs bases qui leur ont donné le mandat de les réaliser. Quand vous avez une durée de  mandat pour le faire, vous devez être appuyé par une administration efficace et compétente, c’est l’un des autres défis. La faitière travaille à ce que l’offre de formation qui va nous mener progressivement vers la création d’une fonction publique territoriale qui n’existe pas encore, puisse être disponible et accessible. Au-delà de cela, nous avons un second volet de notre planification stratégique qui est la construction des partenariats, nous pensons que les partenariats doivent être logiques, pertinents et fondés. C’est le cas de la convention de partenariat signée entre la FCT et l’ANCB et il nous semble que c’était l’une des choses les plus logiques à faire, par ce que le Togo et le Bénin  partagent une géographie de proximité, une histoire commune et des repères culturels extrêmement riches et enchevêtrés les uns dans les autres.

Nous avons également les axes transversaux. L’un d’entre eux, c’est la promotion de la participation de la femme à la gouvernance locale mais de façon générale à la vie publique. Nous devons avoir la sérénité dans l’expression d’un certain nombre de question. Lorsqu’on parle aujourd’hui d’égalité genre et de promotion de la femme, il faut que nous Africains, nous réalisions que ces questionnements ne viennent que lorsque nous nous attachons aux sphères surtout administratives et politiques. Socialement  et économiquement parlant la femme a toujours joué sa partition dans notre société. Du moment où nos Etats ont choisi un certain modèle d’organisation et de gouvernance, il faut faire en sorte que les femmes soient plus présentes dans l’administration publique et les sphères politiques. C’est l’un des axes sur lesquels la faîtière souhaite se positionner.

 

Comment comptez-vous mettre au profit des communes du Togo la Convention signée avec l’ANCB ?

Ce qui est primordial, c’est d’abord l’état d’esprit, il faut que nous ayons et partageons une convergence de vue du côté togolais au niveau de la faitière des communes du Togo et du côté béninois au niveau de l’ANCB. Nous sommes voisins par la géographie, mais nous sommes aussi voisins et amis par la volonté de vivre ensemble. Ce postulat de base étant posé, cet état d’esprit nous permet d’aller de façon systématique lorsque nous avons des projets à porter, nous permet d’ouvrir le champ des horizons, d’ouvrir la réflexion et d’intégrer les habitudes, par ce que nous sommes confrontés aux mêmes défis, nous partageons les mêmes ambitions. A cet effet il n’est que pertinent de travailler ensemble et que cet état d’esprit anime en permanence nos interventions et que nous finissions par réfléchir automatiquement à une dimension intégrée de tous les programmes et  projets. C’est là que la coopération décentralisée devient intéressante et multiplier les partenariats  entre les communes du Bénin et celles du Togo ne nous sera que bénéfique. Je suis Maire d’Atakpamé et il y a un modèle que j’aime beaucoup. C’est celui d’un partenariat tripartite. Atakpamé a la particularité au Togo d’avoir été la première commune jumelée avec une commune française et cela s’est fait même avant l’indépendance du pays. Atakpamé était jumelé avec la ville de Niort depuis 1958. Chemin faisant, ce jumelage s’est enrichit dans un modèle assez intéressant avec la commune de Covè au Bénin, et donc maintenant, les Niortais disent nous avons des amis et des frères à Atakpamé au Togo  et à Covè au Bénin ce qui crée entre nous, une proximité. Soixante-dix-sept (77) Communes au Bénin et cent dix-sept (117) Communes au Togo, il y a là autant de potentiel pour nouer des relations de partenariat pour porter ensemble des projets de coopération décentralisée et pour se tenir une fois encore par la main, avancer ensemble et grandir ensemble.

 

Quel plaidoyer pouvez-vous adresser aux Chefs d’Etat d’Afrique pour une décentralisation efficiente dans nos pays ?

Une chose qui est une conviction pour moi, c’est que vous regardez l’ensemble de nos mécanises d’intégration régional, on a souvent parlé de la CEDEAO des peuples. En fait, la CEDEAO des peuples, c’est celle qui existe tous les jours. C’est celle qui fait que la commerçante togolaise quitte sa localité avec un certain nombre de marchandises de son milieu, traverse la frontière, soit elle va au Ghana, ou bien elle vient au Bénin, elle vend ses marchandises, elle rachète d’autre articles qu’elle trouve surplace, après avoir sillonné les marchés puis rentre au Togo pour les vendre. En réalité nos populations n’ont pas de frontière, et je crois que, s’il y a quelque chose à laquelle, il est très pertinent que nous travaillions à la fois, nous acteurs locaux mais également au niveau de nos Chefs d’Etat, c’est de déverrouiller tout ce qui doit encore l’être pour que la vie, la coopération, la collaboration entre nos Etats et celles entre nos collectivités territoriales ressemble à ce que vivent les hommes, les femmes de chez nous, de nos villages, de nos villes qui sont vraiment admirables en ce sens que ces personnes sont davantage attachées à construire et à renforcer des ponts, plutôt qu’à respecter des coups de crayon imaginaires que nous appelons les frontières.

 

Votre mot de conclusion

Mon mot pour conclure, c’est de faire vivre cette diplomatie des villes, cette coopération décentralisée de proximité, qu’on a pu appeler la coopération Sud-Sud pour grandir ensemble et faire que progressivement cette homogénéité se reflète à partir du niveau décentralisé au niveau central et fasse grandir au final nos nations, nos pays.

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