Constitutionnalité et points d’amélioration du projet de réforme du secteur de la décentralisation

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Constitutionnalité et points d’amélioration du projet de réforme du secteur de la décentralisation

A la suite de la présentation du projet de réforme structurelle du secteur de la décentralisation, la constitutionnalité de la réforme et les points susceptibles d’être améliorés par le gouvernement mérite attention.

La constitutionnalité et la légalité de la réforme.

Pour analyser la constitutionnalité des réformes annoncées par le Gouvernement dans le secteur de la décentralisation, il faut la confronter aux principes de « la libre administration des collectivités territoriales » et de « l’autonomie locale ». L’article 151 nouveau de la constitution béninoise dispose : « les collectivités s’administrent librement par des conseils élus pour un mandat de cinq (05) ans dans les conditions prévues par la loi ». Cette libre administration s’étend au pouvoir réglementaire dont disposent les maires pour l’exercice des compétences de leur commune. La libre administration est un principe de protection des collectivités territoriales contre les immixtions et les injonctions de l’Etat central. Elle est renforcée par l’autonomie locale qui se définit comme le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de réglementer et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité, les compétences et les attributions de leurs organes.

En analysant le contenu de la réforme, on peut se réjouir de son caractère législatif et de l’absence de l’immixtion de l’Etat dans le fonctionnement de la commune, à quelques exceptions près. La réforme tant attendue est donc constitutionnelle et ne donne pas un droit d’immixtion à une structure autre que les organes de la commune.

Le retrait des fonctions d’ordonnateur du budget communal au maire au profit du secrétaire exécutif n’entrave en rien l’autonomie locale. La loi peut retirer au maire la fonction exécutive dont découle l’ordonnancement du budget, sans pour autant entamer la libre administration des collectivités territoriales. La vie des collectivités territoriales au Bénin est d’abord et avant tout organisée par la loi. La constitution en énonce quelques principes de base. Les lois sur la décentralisation actuellement en vigueur ont conféré aux maires la compétence d’ordonnateur du budget. Parallélisme des formes oblige, la loi peut la transférer à un autre organe, pour peu qu’il soit de la commune et sous la responsabilité du maire ou du conseil communal.

Quelques propositions d’amélioration

Lorsqu’on aborde la vie des collectivités territoriales, il est de jurisprudence constante que l’autorité locale et son exercice relèvent d’abord des élus dont le maire est le premier d’entre eux. C’est pourquoi, les pouvoirs et l’autonomie de gestion conférés au secrétaire exécutif ne doivent pas dépasser le strict minimum pour éviter leur politisation. La séparation des fonctions politiques d’avec celles techniques, une exigence dictée par les réalités béninoises, ne saurait soustraire le détenteur du pouvoir exécutif communal du contrôle et des instructions du maire et des organes délibérants. De ce point de vue, il importe de plaider auprès des réformateurs pour un assouplissement de l’autonomie accordée au secrétaire exécutif de la commune. La loi peut faire obligation au maire de choisir le secrétaire exécutif sur un fichier national. C’est le rôle de l’Etat et sa contribution, eu égard aux expériences malheureuses connues par les communes du fait des recrutements fantaisistes observés depuis 2003. Si le principe de tirage au sort devait être maintenu, il faudrait alors permettre au maire d’opérer son choix après le tirage au sort de trois noms. Ainsi, à la suite d’un entretien organisé par le Conseil de supervision, le maire pourra prendre la décision de nommer parmi les trois celui sur qui son choix se portera. Le SE une fois nommé, propose à la nomination du maire les directeurs techniques, après tirage au sort dans le fichier national approprié pour ceux qui en relèvent. Il en devrait être de même pour les secrétaires administratifs des arrondissements dont la nomination doit être en dernier ressort faite par le maire.

Aussi, l’exercice du pouvoir règlementaire du maire devrait-t-il également lui conférer l’exclusivité de la signature des permis et autres autorisations que prévoient les lois et règlements dans les domaines de compétence de la commune. L’organisation et les services de gestion de ces permis et autorisations relèvent d’office de l’organe exécutif qu’est le secrétaire exécutif.

En outre, en vertu de l’autonomie locale, le préfet ne peut pas siéger en session conjointe avec le conseil de supervision pour décider de la révocation ou non du secrétaire exécutif. Il sera alors juge et partie étant donné qu’en sa qualité d’autorité de tutelle, il devra vérifier la légalité de cette décision plus tard. Il serait souhaitable que la procédure de révocation du SE initiée par le maire soit exclusivement conduite par les organes de la mairie et soumise au contrôle du préfet.

En l’absence des modalités de fonctionnement du Fonds d’investissement communal, c’est le statut renforcé du secrétaire exécutif qui interpelle dans le projet de réforme du Gouvernement. Il est donc important d’établir une bonne collaboration entre le maire et le secrétaire exécutif. Cette bonne collaboration doit également s’étendre au conseil communal qui pourrait aussi recevoir le compte rendu du secrétaire exécutif. Or, dans la réforme, il semble que le secrétaire exécutif soit totalement isolé du conseil communal dont il assure le secrétariat. L’organe délibérant par excellence doit conserver un droit de regard sur la gestion administrative de la commune. Il est également souhaitable que le maire, à l’issue des évaluations du secrétaire exécutif, puisse avoir la possibilité de mettre fin à son mandat, en cas d’insuffisance de résultats, à partir de sa deuxième année d’exercice.

Dans la plupart des expériences de mobilisation des ressources réussies, les élus communaux ont toujours joué un rôle important. La célèbre « opération marbre » initiée par l’ancien maire de Klouékanmé en est une illustration. Il est donc souhaitable d’envisager, dans quelles mesures, le maire et les élus peuvent intervenir dans ce domaine. Le maire, autorité politico-administrative doit également disposer d’un service de communication. La communication au développement semble bien correspondre aux nouvelles attributions du maire sans oublier celle politique.

Autres points non moins importants

Les faiblesses occultées ou qui ne transparaissent pas dans le document de réforme partagé aux maires concernent essentiellement les ressources humaines, les modalités de promotion de la démocratie et de la participation citoyenne et l’amélioration des mécanismes de reddition de comptes.

Ainsi, le sort du personnel des communes aux profils inadaptés pour la commune reste une préoccupation majeure. Il serait intéressant de créer une passerelle entre la fonction publique territoriale et la fonction publique nationale, facilitant l’absorption par la deuxième du personnel inadapté du premier qui peut être utile à l’Etat. Certains recrutements de l’Etat peuvent céder la place à des transferts de personnel depuis les communes afin d’alléger les charges salariales de la commune.

Aussi, convient-il de noter que la promotion de la démocratie est aujourd’hui reconnue comme un service publique locale qui relève du maire et du conseil communal. Il serait pertinent d’insérer ce service dans l’administration communale comme c’est déjà le cas dans beaucoup de pays.

(Extrait d’une tribune de Franck S. KINNINVO)

 

 

 

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