Présidentielle 2021 : Quels enjeux pour les collectivités locales du Bénin
(Occasion pour interpeler les candidats sur l’avenir de la décentralisation)
En avril prochain, les Béninois se rendront aux urnes pour élire le prochain président de la République. Occasion pour les prétendants au fauteuil présidentiel et leur écurie de dévoiler leur vision des politiques publiques pour les cinq prochaines années. L’une des politiques majeures de développement étant la décentralisation, il est important que les candidats puissent annoncer les couleurs afin de séduire les territoires, les 77 maires, les 546 chefs d’arrondissement et les 5290 chefs de village et de quartier de ville.
Le 6 février 2021, la décentralisation au Bénin a fermé ses 18 ans, l’âge de la majorité pour les humains et de maturité pour la décentralisation. Ainsi, après 18 ans de décentralisation, les grandes préoccupations des collectivités locales sont connues. Il est donc important que la présidentielle d’avril 2021 soit une occasion de débat et de proposition pour le devenir de la Réforme de l’Administration Territoriale au Bénin.
Le respect de la libre administration des collectivités locales tout en renforçant la complémentarité entre pouvoir central et gouvernements locaux.
Quelle sera la position des candidats à la présidentielle de 2021 sur le respect de l’autonomie locale ? Quel est l’engagement législatif de ces candidats pour améliorer le cadre juridique de mise en œuvre de la décentralisation ? La question de la libre administration des collectivités locales reste entière au Bénin. Elle rend pourtant compte de la qualité de la décentralisation dans un pays. Il s’agit de mesurer le caractère véritablement démocratique de la décentralisation sur plusieurs plans. La nature juridique des collectivités territoriales. Elles doivent avoir une existence distincte de celle de l’Etat, basée sur la constitution et/ou la loi, disposer d’une identité juridique propre, d’un pouvoir règlementaire et des compétences propres ; disposer d’une administration et d’un budget propres. Et sur le plan budgétaire, l’autonomie recherchée doit prendre en compte les recettes d’où la nécessité d’une décentralisation fiscale. La qualité de l’élection des organes de la commune, notamment le conseil délibérant reste un très bon indicateur de la qualité de la décentralisation. C’est pourquoi, l’innovation du législateur béninois qui permet aux partis politiques de se substituer au conseil communal ou municipal dans la désignation de l’exécutif doit être transitoire et ne saurait perdurer. A tous ces indicateurs qui sont moyennement au vert au Bénin, il faut ajouter la protection des collectivités territoriales (organes exécutif et délibérant) de toute immixtion de l’Etat, notamment du gouvernement. C’est à ce niveau que le Bénin doit faire des efforts considérables. La gouvernance locale doit quitter le joug du gouvernement central pour celui des citoyens à la base. En cela, il est important de réformer le contrôle de légalité en retirant, progressivement au Préfet, le pouvoir d’annulation qui doit revenir exclusivement au juge administratif. De même, les maires doivent apprendre à déférer les actes des préfets et du gouvernement central qui ne respectent pas l’esprit et la lettre de l’autonomie locale devant le juge administratif car, c’est le seul moyen de faire progresser le droit des collectivités territoriales qui, comme le droit administratif dont il relève, est essentiellement prétorien. Mais le plus grand engagement qu’un candidat à la présidentielle peut prendre sera de faire voter une loi sur l’autonomie locale comme le prévoit la constitution et de la faire appliquer, tout en renforçant le juge administratif dans son rôle de régulation de l’administration territoriale.
Le réel transfert des compétences et des ressources.
Quel engagement prennent les candidats à la présidentielle d’avril prochain sur le transfert des ressources de l’Etat vers les communes ? Comment comptent-ils transférer les compétences et mettre fin à l’exercice des compétences communales par des ministères ou des agences ? Le taux de transfert de ressources financières de l’Etat vers les communes tourne autour des 4% des recettes budgétaires de l’Etat en 2021. Or, le Plan National de Développement (PND) et le Programme de Croissance pour le Développement Durable (PC2D) fixent comme objectif pour le Gouvernement en 2025 que la « Part des transferts aux Collectivités Territoriales dans le total des dépenses du Budget Général de l’État soit d’au moins 15% ». A cela s’ajoute la question des ODD. En effet, tous les acteurs s’accordent à reconnaître, tel que mentionné dans le Rapport du Comité des Régions de l’Union Européenne, intitulé « Une approche territoriale pour la mise en œuvre des ODD dans l’UE – Le rôle du Comité européen des régions », que « 65% des 169 Objectifs de Développement Durable (ODD) ne peuvent être atteints que par la coordination et l’inclusion des acteurs locaux et régionaux ».
Sans compétences propres et sans les ressources nécessaires pour leur mise en œuvre, la décentralisation restera une déconcentration parfumée aux couleurs de la démocratie locale par des élus locaux. Le Maire et son administration, sous la responsabilité du conseil délibérant doivent exercer la plénitude des compétences que la loi leur reconnait. L’exercice de ces compétences suppose donc des ressources qui proviennent de l’Etat auxquelles s’ajoutent celles mobilisées par la commune elle-même. Depuis 2003, il faut reconnaitre que les communes, sous réserve de la disponibilité des ressources exercent l’essentiel des compétences. Dans l’histoire de la décentralisation, une seule compétence a fait l’objet de rejet par les communes, l’éclairage public qui est devenu un gros budgétivore communal. Pour le reste, les communes exercent les compétences dès lors qu’elles en ont les ressources. Il est vrai que depuis trois ou quatre ans, des agences interfèrent dans certains domaines de compétences. Il faut souhaiter que ces structures étatiques se conforment aux prescriptions légales en négociant la délégation de la maitrise d’ouvrage, en collaborant avec les communes et en inscrivant leur intervention dans une période transitoire. Ainsi, à la fin du Programme national, des intercommunalités peuvent prendre la relève de ces agences.
Lorsqu’on aborde la question des ressources à transférer aux communes, on oublie souvent la ressource humaine que l’Etat peut également transférer aux communes. La gestion communale et municipale est devenue très complexe et nécessite une ressource humaine dont les collectivités territoriales n’ont souvent pas les moyens.
S’engager pour appliquer les orientations du PND et du PC2D suffiraient largement à la cause des communes du Bénin de 2021 à 2026. Il s’agit d’atteindre un objectif de transfert d’au moins 15% des ressources budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales. Le candidat qui prendra un tel engagement qui existe déjà dans les documents de planification de l’Etat sera un vrai allié des communes.
FSK