Communales et municipales 2020 : Comment identifier le bon profil de maire et d’élus communaux et municipaux ?
1ère Partie : Le maire de commune dans le droit béninois
1ère Partie : Le maire de commune dans le droit béninois
Depuis 2003, le Bénin est entré dans la phase active de la décentralisation avec l’élection et l’installation des conseils communaux et municipaux qui, à leur tour, élisent le maire. Mais qui est le maire ? Quel rôle joue-t-il dans le processus de décentralisation et de développement de territoire ? Quel profil, quelles caractéristiques doit-on avoir comme maire ? Dans cette série de cinq articles, je partagerai avec vous mes modestes expériences et les avis collectés auprès d’anciens maires. Je ferai également part des observations et des attentes des citoyens avisés ou non sur ce qu’ils attendent d’un maire.
Cette série m’a été inspirée par l’importance du maire dans la réalisation des enjeux de la décentralisation. Pendant longtemps, sur la base des textes de lois sur la décentralisation, les réflexions et les actions ont été orientées vers le renforcement des conseils communaux et des administrations locales. Ce qui n’est pas une mauvaise chose. Seulement, tout dépend de la vision et du leadership du maire qui est le chef de l’administration locale, l’exécutif de la commune. Voilà pourquoi j’entreprends cette série de publication pour accompagner les maires, les élus locaux et l’ensemble des acteurs de la décentralisation.
Dans ce numéro introductif, je vais présenter sommairement le maire et ses attributions.
Elu par le conseil communal (communes de droit commun) ou municipal (communes à statut particulier) en son sein pour un mandat de cinq ans renouvelable, le maire bénéficie d’une « double casquette ». Il est à la fois exécutif de la commune (plus de 98% de ses attributions) et représentant de l’État (moins de 2%).
- En sa qualité d’exécutif communal, le maire met en œuvre les compétences propres de la commune (après délibération du conseil) et ses attributions propres sous la protection du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Il est alors dans une relation de tutelle avec le préfet et administre librement sa commune. Toutefois, ses actions doivent être guidées par l’intérêt général et le respect de la loi.
- Comme représentant de l’Etat, le maire exécute les attributions déléguées ou partagées avec l’Etat, sous l’autorité du préfet ou du procureur de la République, selon les cas. Il est alors considéré comme le chef d’un service déconcentré « particulier » de l’Etat. L’article 16 de la loi 98-005 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes à statut particulier précise que « le maire représente l’État dans la commune dans les domaines suivants: état-civil, opérations de recensements, publication et exécution des lois et règlements, légalisation des signatures, défense nationale en ce qui concerne le recensement et la défense civile ». Ce rôle de représentant de l’Etat est très accessoirement exécuté par le maire. En la matière le préfet peut se substituer d’office au maire comme le dispose l’article 17 de la même loi : « Dans le cas où le maire négligerait d’exercer les compétences à lui dévolues à l’article 16, le préfet dispose d’un pouvoir de substitution. Les fautes commises par le maire dans 1’exercice de ses compétences engagent la responsabilité de l’État », et non la commune. Ce qui confirme le double statut du maire.
A ce double titre, le Maire dispose d’un statut particulier et d’attributions propres. Le maire exerce ses attributions sous l’autorité du conseil communal ou municipal. La loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin précise le statut et les attributions du Maire.
I- LE STATUT DU MAIRE
A- Le Maire, exécutif de la commune.
Aux termes de l’article 24 de la loi 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’Administration territoriale en République du Bénin, le maire est l’organe exécutif de la commune. Il est assisté d’adjoints. A ce titre, le maire exécute les décisions du conseil communal. De même, le maire gère l’administration communale. L’article 28 de la même loi précise que le maire est l’ordonnateur du budget communal. Quant à l’article 48 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin, il fait du maire, « le premier responsable de la commune… et le chef de l’administration communale ». Le maire est chargé de l’exécution des décisions du conseil municipal et agit sous le contrôle de ce dernier. Il représente la commune en justice, passe les marchés, signe des contrats, prépare le budget, gère le patrimoine communal. Le maire est, enfin, titulaire de pouvoirs propres. En matière de police administrative, il est chargé de maintenir l’ordre public, défini comme la sécurité, la tranquillité, la salubrité et l’ordre public.
B- Le Maire Représentant de l’Etat
L’article 82 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin dispose : « La commune… exerce en outre, sous le contrôle de l’autorité de tutelle, d’autres attributions qui relèvent des compétences de l’État ». Ainsi, en tant que représentant de l’Etat dans la commune et donc service déconcentré de l’État, le maire sous l’autorité du préfet, remplit des fonctions administratives dont notamment :
- La police administrative (sécurité, tranquillité, salubrité et ordre public) ;
- L’approbation du plan annuel de sécurité publique et de lutte contre la délinquance et la criminalité ;
- La publication des lois et règlements ;
- L’organisation des élections.
- Sous l’autorité du Préfet et surtout du Procureur de la République, il exerce des fonctions dans le domaine judiciaire : il est officier d’état civil (réception des déclarations des naissances, mariages, des décès, célébration des mariages, transcription des jugements supplétifs et de tous actes et délivrance d’extraits, légalisation et certification d’actes) ; et officier de police judiciaire.
C- Les modes d’interruption du mandat du Maire
Outre les cas de vacances ou d’empêchement définitif pour toute autre cause prévus à l’article 43 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin la loi prévoit trois mécanismes pour mettre fin au mandat du maire :
- La démission. La démission est un acte par lequel le maire se démet lui-même de ses fonctions. Il peut être volontaire ou suscité par une tierce personne. L’article 52 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin organise la démission du maire.
- La destitution. La destitution est un mécanisme politique permettant au conseil communal ou municipal de démettre le maire par un vote de défiance. La procédure est engagée à la demande de la majorité absolue des conseillers, suite à un « désaccord grave » ou à une « crise de confiance ». Les notions de désaccord grave et de crise de confiance restent vagues. Il importe que ces concepts soient clarifiés. Le vote de défiance est valable à la majorité des 2/3 au moins des conseillers communaux ou municipaux.
- La révocation. La révocation est une procédure administrative contre un maire soupçonné d’avoir commis l’une des six fautes lourdes limitativement prévues à l’article 54 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. La révocation est décidée en conseil des ministres et précédée d’une suspension du maire par arrêté du ministre en charge des collectivités territoriales. Cette procédure est contradictoire et ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires. L’article 55 précise les faits constitutifs de fautes lourdes : « Constituent des fautes lourdes, au sens de l’article ci-dessus, les faits ci-après :
- utilisation des fonds de la commune à des fins personnelles;
- prêts d’argent effectués sur les fonds de la commune ;
- faux en écritures publiques ;
- refus de signer ou de transmettre, à l’autorité de tutelle, une délibération du conseil communal ;
- vente ou aliénation abusive des biens domaniaux ;
- toutes autres violations des règles de déontologie administrative ».
D- Les relations du maire avec le conseil communal
De façon générale, le maire exerce sa fonction sous l’autorité du conseil communal ou municipal. Il est d’ailleurs redevable de lui, sur les plans politique et administratif. L’article 67 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin précise bien l’existence d’un lien de subordination entre le conseil et le maire : « Le maire est chargé, sous le contrôle du conseil communal de… ». La loi résume par la suite, en onze points, l’essentiel des attributions du maire.
E- Les relations du maire avec l’Autorité de tutelle
Le préfet est l’unique autorité de tutelle de la commune. L’article 141 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin est formel sur la question. De même, l’article 10 de la loi 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’Administration territoriale en République du Bénin complète en ces termes : « le préfet est le dépositaire de l’autorité de l’État dans le département. En cette qualité, il est l’unique représentant du gouvernement et de chacun des ministres pris individuellement ».
La commune et le maire sont sous la tutelle administrative du préfet. Cette relation qui exclut tout lien de subordination (instructions, reformulation, suspension…) est entièrement régie par la loi et englobe deux fonctions :
- L’assistance conseil, le soutien aux actions de la commune et l’harmonisation des actions locales avec celles de l’État. Cette fonction suppose généralement une requête de la commune et rarement une initiative du préfet qui ne lie pas la commune. L’assistance-conseil peut devenir obligatoire en cas de mauvais fonctionnement d’un service ou d’inertie au niveau de la commune ;
- Le contrôle de légalité des actes pris par le conseil communal et le maire ainsi que le budget de la commune. Il s’exerce par voie d’approbation, d’annulation et de substitution dans des cas limitativement cités par l’article 144 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin.
II- Les Attributions du Maire
- Le maire est l’organe exécutif de la commune. A ce titre, il est chargé notamment (Article 63 et 67 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin) :
- de l’établissement de l’ordre du jour des séances du conseil;
- de la coordination des activités du conseil dans la commune;
- de la rentrée des impôts, taxes et droits communaux;
- de la détermination du mode d’exécution des travaux communaux;
- de la représentation de la commune en justice et dans la passation des contrats.
Il est l’ordonnateur du budget de la commune. Il prépare et exécute le budget de la commune (Article 72).
- Le pouvoir réglementaire du maire (Article 73) : Le maire prend des dispositions à l’effet :
- d’ordonner les mesures et règlements nécessaires à l’exercice de ses prérogatives ;
- de diffuser au niveau local, les lois et règlements de police et rappeler les citoyens à leur observation.
- Les attributions du maire sous le contrôle du conseil communal :
- conserver et administrer les propriétés de la commune et faire en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ;
- gérer les revenus de la commune et suivre les établissements communaux;
- suivre 1’évolution des finances communales ;
- pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ;
- passer les baux et les marchés relatifs aux travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ;
- faire assurer la direction des travaux communaux;
- passer les actes de vente, d’échange, de partage, d’acceptation des dons et legs, d’acquisition, de transaction lorsque ces actes ont été autorisés conformément à la présente loi.
- ester en justice au nom et pour le compte de la commune;
- faire tous actes interruptifs de prescription ou de déchéance;
- veiller à la conservation des archives;
- d’une manière générale, exécuter les décisions du conseil communal .
Le maire est donc le chef d’un gouvernement local, dont l’existence est rendue nécessaire par le principe de subsidiarité et protégé par le principe constitutionnel de la libre administration des communes. La décentralisation doit être aujourd’hui perçue comme un mécanisme de correction des insuffisances de la démocratie représentative. En effet, depuis quelques décennies, les peuples du monde entier ne se retrouvant (ou ne trouvant plus leurs comptes) plus dans la gestion des affaires publiques par les gouvernements, s’inventent des moyens de participation à la gestion des affaires de leur cité. C’est justement la décentralisation qui offre ce nouveau champ d’action aux citoyens. Elle mérite d’être consolidée au risque de renforcer l’écart entre les citoyens et les gouvernants centraux qui pourtant, sont leurs mandataires.
Franck S. KINNINVO
Expert en décentralisation et en Communication