Multiplication des audits et contrôles de la gestion locale : La commune, l’unité administrative la mieux contrôlée du Bénin (10 niveaux possibles de contrôle des maires)
Les relations qui existent entre le gouvernement central et les collectivités territoriales sont des relations de tutelle, car elles s’administrent librement par des conseils élus. C’est ce que prévoit la constitution béninoise et ces dispositions n’ont pas été touchées par la révision constitutionnelle du 1er novembre 2019. Mais dans la pratique, les communes, les maires et les élus locaux sont propulsés dans une relation de subordination avec le pouvoir central. Du coup, les injonctions et les décisions pleuvent du ciel gouvernemental vers la terre communale.
Le maire, le gestionnaire le plus contrôlé du Bénin.
Tous les regards semblent tournés vers ceux qui, à 77, gèrent moins de 5% des ressources publiques. Tant d’attention pour si peu ! Serait-on tenté de dire. Dans le cadre d’une dépense, le maire peut être contrôlé par le conseil communal qui l’y a pourtant autorisé (1) ; le receveur percepteur (2) qui a plus d’un tour dans son sac, surtout dans les petites et moyennes communes ; l’autorité de tutelle, le préfet (3) qui est entouré d’une pléiade de cadres et de responsables de services déconcentrés ; le citoyen de la commune (4) à qui les différentes lois sur la décentralisation offrent des possibilités de contrôle ; les corps de contrôle du ministère de la décentralisation (5), l’Inspection Générale des Affaires Administratives (IGAA) ; les corps de contrôle du ministère de l’économie et des finances (6), l’Inspection Générale des Finances ; les cabinets d’audit (7) que mobilisent les partenaires techniques et financiers et qui, progressivement cèdent la place aux corps de l’Etat ; la Chambre des Comptes de la Cour Suprême désormais érigée en Cour des Comptes avec ses démembrements régionaux nez à nez avec les communes (8) ; l’Assemblée Nationale dans le cadre des missions ou enquêtes parlementaires (9). Et comme pour boucler la boucle, le Ministre de l’Economie et des Finances a cru devoir ajouter les délégués du contrôle financier pour que le nombre des contrôleurs potentiels des maires atteigne 10. Le comble avec les délégués du ministre des finances, c’est qu’ils font un contrôle a priori mais non encadré par une loi. Du coup, ils prennent tout leur temps avant de sortir les dossiers des communes. Des maires reçoivent jusqu’à six (06) missions d’audit par an, sans compter les agissements du préfet et des conseils communaux et municipaux. Un maire ironisait il y a quelques jours à Kétou, lors d’une rencontre de l’ANCB en disant que les auditeurs font en moyenne six mois dans ses bureaux.
Des problèmes de droit
La tutelle est d’abord et avant tout un instrument de complémentarité et d’appui-conseil. Dans certains pays, le contrôle de légalité est exclusivement réservé au pouvoir judiciaire. En réalité, il ne peut y avoir de tutelle sans texte et en dehors des textes. Un ministre n’est pas une autorité de tutelle des communes. Seul le préfet jouit de cette compétence. Le pouvoir règlementaire des ministres ne devraient impacter les communes que dans le cadre des compétences partagées et déléguées. Les communes ne sont pas des services du gouvernement par nature ou par destination. Le maire ne se retrouve dans cette position de service déconcentré de l’Etat que très rarement. Les communes sont des structures autonomes, jouissant de la personnalité morale, de l’autonomie financière et s’administrent librement par des conseils élus. De ce point de vue, le gouvernement doit rechercher la légalité de ses actes avant d’ordonnancer des mesures qui ne s’imposent même pas à l’administration publique mais aux seules communes. S’il est vrai que le gouvernement reste et demeure le plus influent acteur de la République, il n’en demeure pas moins vrai que les autres institutions de l’Etat et les collectivités locales sont également des acteurs de plein droit.
Le cas de la loi sur la fonction publique territoriale
Depuis 2015, la loi sur la fonction publique a dessaisi le maire de sa compétence de nommer aux emplois communaux. Ce qui est une violation de l’autonomie locale et de la libre administration des communes. Sous prétexte que des maires abusaient de cette prérogative, on en dessaisit tous les maires comme si dans ce pays, le gouvernement n’a pas été obligé d’annuler des concours de recrutement faits par ses propres services. La démarche qui relève de la culture de la décentralisation et de la démocratie serait d’indiquer dans la loi les procédures à suivre par le maire et ses services pour faire des recrutements. Il reviendra alors au préfet de veiller à l’application de ces dispositions. Malheureusement, le comble dans cette affaire c’est qu’en attendant l’adoption des décrets d’application de cette nouvelle loi, il est interdit aux communes de faire des recrutements, et ce depuis plusieurs années. Les maires sont bloqués dans leur fonctionnement quotidien, mais ne peuvent pas faire des recrutements, même lorsque ces derniers sont financés par des partenaires dans le cadre de certains projets. Chaque année, le personnel des communes se dégraisse par démission, par décès ou par admission à la retraite.
Il urge que le nouveau ministre de la décentralisation et le chef de l’Etat prennent de nouvelles dispositions afin de soulager les communes dont le rôle en matière d’apprentissage de la démocratie et de promotion d’un réel développement durable est irremplaçable.