Désignation en cours des Chefs de village et de quartier de ville : les grandes inconnues de l’équation !
Au delà des préfets, le Gouvernement devra préciser avec la CENA tous les contours de cette opération spéciale
Désignation en cours des Chefs de village et de quartier de ville : les grandes inconnues de l’équation !
Le 21 novembre 2024, la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) a transmis la liste des localités où les partis politiques Union Progressiste le Renouveau (UPR), Bloc Républicain (BR) et Force Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE) sont habilités à désigner les Chefs de village ou de quartier de ville. Cette décision de la CENA est une application de l’article 201 nouveau du Code électoral qui dispose : « Le Chef d’un village ou d’un quartier de ville est désigné par le parti ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages valablement exprimés dans ce village ou quartier de ville et éligible à l’attribution des sièges. » Une procédure légale mais qui manque de détail de la part du législateur et ouvre la voie à des interrogations.
Remplacer des organes élus, dont le terme des mandats est échu, sans une élection et en évitant le piège d’une délégation spéciale comme c’est le cas dans certains pays ou des assemblées locales ont été dissoutes avec leurs élus. Il s’agit d’une opération inédite à l’échelle de la planète que certains attribueraient, une fois de plus, à l’expression du génie béninois. Mais ce choix du législateur béninois, bien qu’étant unique en son genre, est lourd de conséquences et d’interrogations juridiques.
Les unités administratives du Bénin sans conseils locaux !
La décision de la CENA, bien que conforme au code électoral, suscite deux grandes interrogations sur le sort réservé aux conseils locaux actuels. De toute évidence, la désignation par le parti sorti gagnant des urnes des nouveaux chefs de village et de quartier de ville met d’office fin à l’existence des conseils locaux en place depuis 2015. Les quartiers de ville et les villages n’auront plus de conseil jusqu’à une nouvelle élection. La démocratie locale, encore mal cernée dans notre pays risque d’en faire les frais. Le chef de village ou de quartier de ville, qui n’a pas reçu l’onction du suffrage universel va devoir fonctionner sans un conseil. Ces complexités montrent qu’en 2026, avec ou en dehors des élections générales, il importe de redonner la parole aux citoyens pour élire les conseils locaux. Mieux, le législateur devra revoir les attributions et le fonctionnement de ces organes pour en faire les cœurs battants de la démocratie béninoise.
La population d’origine du choix des partis politiques
Pour ce qui concerne les chefs de village et de quartier de ville actuellement en poste, ceux qui ne seront pas désignés cesseront d’être membres du conseil local et passeront service à leur remplaçant et redeviendront de simples citoyens. Mais la grande question reste la population cible, au sein de laquelle les partis politiques vont puiser le nom des chefs de village et de quartier de ville à proposer. La loi reste muette sur cette question que le Gouvernement (les préfets), les maires et la CENA devront trancher. Très probablement, deux cas de figure semblent possibles : le choix par le parti politique au sein de ses structures communales, d’arrondissement ou dans la cellule de quartier ou de village concerné. Ce choix, plus conforme à l’esprit de la réforme en cours du système partisan, peut être difficile pour les partis qui n’ont pas encore atteint ce niveau de structuration. La seconde hypothèse serait de laisser libre choix au parti politique, sans aucune restriction. Dans tous les cas, il est important que les structures compétentes encadrent ce choix qui est déjà par défaut, en espérant l’inclusion des élections locales dans les élections générales ou dans leur foulée. Au delà des préfets, le Gouvernement devra préciser avec la CENA tous les contours de cette opération spéciale.
Des cohabitations difficiles en vue dans les anciennes communes de la FCBE
En se conformant à l’article 201 nouveau du code électoral, la CENA remet au gout du jour une réalité électorale qui n’est plus actuelle. L’Union Progressiste le Renouveau confirme son leadership politique et sa place de première force politique du Bénin, position obtenue lors des communales de 2020 et des législatives de 2023. Sur la base des communales de 2020, l’UPR a le droit de désigner 2517 chefs de village et de quartier de ville, soit 47,54 %. Par département, ce parti va nommer, entre autres, 129 chefs de village et de quartier de ville dans l’Alibori, 252 dans l’Atacora, 438 dans l’Atlantique, 180 dans le Borgou, 153 dans les Collines, 294 dans le Couffo, 53 dans la Donga, 122 dans le Littoral, 212 dans le Mono, 249 dans l’Ouémé, 188 dans le Plateau et 247 dans le Zou.
Au même moment, la FCBE s’invite au partage du gâteau alors même que ce parti ne contrôle plus aucun conseil communal dans le pays. La conséquence directe est que FCBE va désigner 715 chefs de village et de quartier de ville, soit 13,51 %, dans des communes désormais contrôlées par UPR ou BR. Ce qui est complètement en contradiction avec la logique de majorité communale toujours préconisée par le code électoral et confortée par la loi interprétative de 2020. Ces Chefs de quartier vont tôt faire de transhumer (ce qui est contraire à l’esprit de la réforme du système partisan en cours), au risque de se voir désavouer par leur parti, la FCBE. Soit ces chefs de village et de quartier de ville vont devoir cohabiter avec des organes communaux et infra-communaux entièrement contrôlés par l’UPR et/ou le BR. Le BR qui, selon les calculs de la CENA, doit désigner 2062 chefs de village ou de quartier de ville, soit 38,95 %.