Contribution scientifique au renforcement de la gouvernance locale : Le CERGD-PPA examine les effets induits des nouvelles lois sur la Décentralisation
(De fortes recommandations à verser au comité technique de la Ponadec et à l’Assemblée Nationale dans un contexte de relecture de certaines lois suite au dialogue politique dernier)
Une avalanche de lois a été votée au cours des trois (3) dernières années au Bénin. En effet, le régime de la « rupture » et du « Nouveau départ » s’est annoncé sous une gouvernance de grandes réformes, de « réformes profondes » à en croire le Directeur du CERGD-PPA, le professeur Mensah Emmanuel AHLINVI. Cependant, les lois produisant des effets, les conséquences induites par celles votées sous le régime Talon n’a pas laissé indifférents les universitaires. Ainsi, le séminaire organisé par le CERGD-PPA se réclame scientifique et foncièrement « pédagogique », en témoignent non seulement les cinq (5) communications mais aussi et surtout la qualité des communicateurs qui ont animé les deux jours de réflexion et d’échanges.
Les élections municipales, communales et locales sous le prisme du nouveau code électoral
C’est la première communication qui a fait objet de débats dans la première journée. Que prévoit le nouveau code électoral c’est-à-dire la loi n°2018-31 du 3 septembre 2018 en ce qui concerne les élections municipales, communales et locales ? Il est à signaler, confie le communicateur, Nathaniel KITTI, Enseignant-chercheur en Sciences Politiques de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l’Université d’Abomey-Calavi (FADSP/UAC), que cette loi a révisé la loi 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin. Elle a consacré, dit-il, des innovations et des permanences. Ainsi, le communicateur a tenté, dans son exposé, de répertorier les innovations apportées en ce qui concerne les élections locales, les analyser au regard de la spécificité desdites élections et dégager les défis à relever en termes d’amélioration dans le cadre de la relecture dudit code.
L’article 16 de l’ancien code est formel en ce qui concerne les élections locales : « la Commission électorale nationale autonome (Cena) proclame les résultats définitifs des élections locales (élections des membres des conseils communaux et municipaux et des membres des conseils de village ou de quartier de ville) ». Quelle est alors l’institution en charge de l’organisation de l’élection des membres des conseils de village ou de quartier de ville ? Le nouveau code renvoie à un décret pris en conseil des ministres pour la déterminer. Mais on remarque à l’article 278 ce qui suit : « sont applicables à l’élection des membres des conseils communaux et municipaux et des membres des conseils de village ou de quartier de ville, les dispositions non contraires à la présente loi ». « Il s’agit d’une incohérence étant donné que les conditions particulières sont contraires aux conditions générales en ce qui concerne la structure en charge de l’organisation des élections des membres des conseils de village ou de quartier de ville », martèle Nathaniel KITTI.
Il rajoute « lors du prétendu dialogue politique organisé par le gouvernement les 10, 11 et 12 octobre derniers, les participants ont recommandé la mise en place d’une structure différente de la Cena pour organiser lesdites élections. Cela en rajoute à l’incohérence. Quelle forme prendra-t-elle ? » Le communicateur conclut ce premier point par une recommandation : « il est souhaitable que l’organisation desdites élections relève de la compétence de la Cena et que le code donne aux coordonnateurs d’arrondissement le pouvoir de proclamer les résultats provisoires et ceux définitifs seraient donnés par la commission électorale nationale autonome ».
Le deuxième point évoqué par l’homme de droit concerne le Conseil d’orientation et de supervision de la Lepi (Cos Lepi). Pour lui « jusqu’à l’organisation des élections législatives non inclusives du 28 avril 2019, la notion de minorité et de majorité est idéologique à l’Assemblée nationale. Mais avec l’installation des députés contestés de la huitième législature, cette notion est devenue numérique. C’est ainsi que les partis représentés au parlement ont choisi les membres du Cos lepi conformément à l’article 137 qui attribue 5 députés à la majorité parlementaire et 4 députés à la minorité parlementaire. Il s’agit là de préoccupations dont le dialogue politique doit se saisir pour prévenir des crises futures qu’engendrerait l’application du code dans cette forme. En effet, au-delà de la liste, la composition paritaire (mouvance et opposition) a pour but d’assurer la transparence dans l’élaboration de la liste et par ricochet sa fiabilité.
Le troisième point s’attarde sur les conditions de candidature. En effet, en ce qui concerne les conditions générales, pour déposer sa candidature, il faut fournir un certain nombre de pièces dont aucun ajout, aucun dépôt ni suppression de nom et aucune modification ne peut se faire après dépôt, sauf en cas de décès, lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste. L’application de cette disposition a été à la base de l’exclusion des listes du PRD, MOELLE et du FCDB aux élections législatives de 2019. « Elle consacre un recul par rapport à l’ancien code dont l’article 44 permettait la délivrance d’un récépissé provisoire puis définitif après le contrôle de régularité du dossier de candidature », alerte Nathaniel KITTI.
Par ailleurs l’article 46 du code a prévu, comme conditions générales, le cautionnement et le quitus fiscal. Le quitus fiscal, en ce qui concerne ce type d’élection dans une situation de centralisation poserait problème, comme ce fût le cas pour les élections législatives non inclusives de 2019. Pour le politologue, « il est nécessaire de décentraliser sa délivrance dans le cas desdites élections ». Aussi, l’article 114 a-t-il prévu le remboursement des frais de campagne des élections législatives et présidentielles. Mais, rien n’est prévu pour les deux autres élections (conseillers communaux, municipaux et de village ou de quartier de ville) alors que l’article 111 a prévu un plafond de dépenses électorales pour lesdites élections. Il s’impose une harmonisation.
Pour ce qui est des conditions particulières, les candidats aux élections municipales, communales et locales doivent savoir lire et écrire le français. Cette disposition est inappropriée dans un pays où il y a près de 70% de personnes qui ne savent ni lire ni écrire. Cette disposition doit être transitoire en attendant l’alphabétisation des citoyens dans leur propre langue même s’il est urgent que l’élu local désormais ait un niveau intellectuel minimum. A propos, si cette disposition a été spécifiée pour les élections locales, elle ne l’est pas pour les autres élections. Des analphabètes de la langue française ont siégé à l’Assemblée Nationale.
Un point non moins important abordé par l’universitaire est celui qui est lié à l’élection du maire. Les textes disent que « le maire doit provenir de la liste ayant obtenu la majorité absolue des conseillers ». Cette disposition prête à confusion, fait-il savoir. La majorité absolue des conseillers peut être obtenue par les urnes à travers des résultats proclamés par la Cena ou par la formation d’une coalition de liste après élection. Cette situation s’est présentée dans certaines communes dont celle de Parakou avec l’élection de Charles Toko en 2016. Elle mérite d’être clarifiée avant les prochaines élections.
Quant aux chefs d’arrondissement, ils sont élus par le conseil communal ou municipal parmi les conseillers communaux ou municipaux élus sur la liste de l’arrondissement concerné. A défaut d’un candidat parmi les conseillers élus sur la liste de l’arrondissement, n’importe quel autre conseiller élu peut-être désigné dans les mêmes conditions que l’élection du maire et de ses adjoints. « Une confusion demeure ici », signale Nathaniel KITTI. La liste de l’arrondissement dont il s’agit ici est-elle la liste ayant obtenu la majorité au conseil ? Plusieurs listes peuvent-elles avoir des conseillers dans un arrondissement. Il est important d’apporter cette clarification.
Le conseil de village ou de quartier de ville est, jusqu’à présent, un organe consultatif. « Face aux défis actuels du développement, il faut donner à cet organe des pouvoirs décisionnels en matière d’éducation, de l’environnement et de sécurité », suggère le communicateur. Ses membres sont élus à une élection distincte de celle des membres des conseils communaux et municipaux. L’article 302 donne au gouvernement les conditions d’organisation et de l’institution compétente pour le faire. Or il s’agit d’un code électoral. Un code est un corps cohérent de textes englobant, selon un plan systématique, l’ensemble des règles relatives à une matière et issu des travaux législatifs ou d’une création réglementaire. Il faut donc faire en sorte que les deux élections locales soient organisées par la Céna avec la proclamation des résultats provisoires par ses coordonnateurs. « Il ne peut y voir dans un même pays deux structures d’organisation d’élections » s’indigne Nathaniel KITTI.
Un nouveau paysage politique acté par la nouvelle charte des partis politiques
Ce point de la deuxième communication du séminaire est une réflexion de Fidèle AYENA, Docteur en Sciences politiques à l’Université de Toulouse 1 capitole. En effet, la nouvelle charte définit clairement ce que c’est qu’un parti politique afin d’éviter toute confusion avec les autres organisations sociales. En exigeant l’implantation territoriale de chaque parti politique (15 membres au moins par commune), le législateur béninois a simplement rajouté à la condition d’encrage idéologique des partis politiques au Bénin, un ancrage territorial comme condition de leur visibilité et de leur représentativité politique. La finalité donc de cette nouvelle charte réside dans la dissuasion tant des micro-partis que de la prolifération quotidienne et anarchique des partis politiques unipersonnels. Toutefois l’expérience des élections législatives de 2019 avec cette nouvelle charte « ne manque pas de montrer ses limites, véritables impasses politiques, dans la réforme du système partisan qu’elle a impulsée » à en croire le communicateur. C’est dire que cette nouvelle loi présente de nombreuses imperfections.
Les limites de la nouvelle charte dans la réforme du système partisan
En termes de limites, la nouvelle charte reste un document perfectible sur plusieurs points. D’abord le nombre excessif de quinze (15) membres fondateurs par commune, imposé par le législateur, est une condition attentatoire à la liberté d’association. En effet, pour le Dr Fidèle AYENA, la condition relative à l’exigence des quinze (15) membres fondateurs dans chacune des 77 communes peut être ressentie comme une entrave à la liberté d’association des citoyens capables de se constituer en groupement politique aux termes de la charte mais tout à fait incapables de satisfaire à ces conditions matérielle, physique et géographique. Bon nombre des partis politiques ont été disqualifiés lors des élections législatives de 2019 pour n’avoir pas pu remplir cette condition géographique dont la finalité est la lutte contre l’ethnicisation à outrance de certains partis politiques. Il n’est pas à rappeler que certaines grandes démocraties du monde, comme en France par exemple, même des grands partis politiques à envergure nationale n’ont pas de siège dans toutes les grandes villes du pays.
Causes et conséquences du ballotage de la décentralisation
Cette communication a été présentée par Saka Bio MAMADOU YAROU, Secrétaire exécutif de l’ADECOB. Pour lui, plusieurs compétences ont été retranchées aux communes notamment la réalisation des ouvrages d’approvisionnement en eau potable avec la création d’une agence ; le recrutement des agents communaux avec la loi sur la fonction publique; une partie de la gestion foncière avec le code foncier et domanial, la gestion des zones synergiques et des musées ; l’aménagement des pistes rurales avec les pistes coton ; la construction des infrastructures scolaires (en vue) ; la taxe professionnelle unique avec le fameux 50-50 pour l’Etat et les communes ; l’exonération de l’imposition des installations des pylônes de GSM sur les territoires des communes avec la loi des finances ; les produits de la taxe d’entretien des infrastructures routières prélevée sur les engins à quatre (4) roues ; la fourniture et la distribution de l’eau potable avec la Soneb ; la signature des marchés par les Directeurs du Contrôle Financier avec le code des marchés publics et la limitation de la participation aux échéances électorales. Avec toutes ces réformes, il est à remarquer qu’on assiste à un retour de la centralisation des compétences, ce qui inévitablement émousse l’ardeur des élus. Le déséquilibre du développement local durable est patent, la consolidation de l’édifice démocratique est mise à mal et la promotion des compétences locales est ainsi entravée.
Pour ce qui est de la destitution des maires, le point fait sous le régime de la rupture fait ressortir des destitutions réussies notamment à Cotonou, Ouidah, Kpomassè, Bonou, Djidja, Aplahoué, Allada, Parakou, Bembéréké, Gogounou, et Djougou. Par contre certaines communes ont connu des tentatives de destitution. Il s’agit de Dogbo, Pèrèrè, Banikoara, Kandi, Malanville et Toukoutouna. Les conséquences de ces destitutions chroniques sont assez graves : chantage, humiliation, achat de conscience de certains élus communaux, absence de temps pour mettre en œuvre le Plan de Développement Communal (PDC), réduction des biens et services aux populations, manque de confiance aux bailleurs de fonds et mauvaise ambiance de travail.
Plusieurs suggestions ont été faites par le Secrétaire exécutif de l’ADECOB notamment, en ce qui concerne le transfert intégral des compétences et des ressources financières. Selon Saka Bio MAMADOU YAROU, il faut de la volonté politique, l’arrêt de la création des agences, la mise à disposition des ressources humaines communales de qualité, le transfert des ressources financières et humaines aux communes, la réduction des procédures de passation de marchés publics. Et en ce qui concerne la destitution des maires, il faut promouvoir la gouvernance concertée, arrêter la politique politicienne, revoir dans la loi le concept de crise de confiance et de faute lourde et prévoir un dispositif externe de vérification en attendant que le maire soit élu au suffrage universel direct c’est-à-dire par les populations elles-mêmes.
Le processus de décentralisation au Bénin à la lumière des nouvelles lois sur la Fonction publique
Pour le communicateur, Arsène-Joël ADELOUI, agrégé des Facultés de Droit, Directeur de l’école doctorale à l’UAC, le législateur de 1999 n’était pas préoccupé par le souci de doter les communes des ressources humaines propres isolées du pouvoir central. C’est ce qui explique que les différentes lois adoptées sur la décentralisation au Bénin sont restées quasiment muettes sur les questions relatives aux ressources humaines qui travaillent dans les différentes structures de décentralisation. La réalité des collectivités locales au Bénin est, entre autres, leur organisation administrative interne. Les communes béninoises ont un déficit en matière de ressources humaines parce que ne disposant dès le départ d’un organigramme stable et opérationnel. Cela est dû à une absence des textes cohérents organisant les services locaux. Aujourd’hui, la loi 2015-18 constitue une avancée notable même s’il a fallu attendre deux décennies pour que le législateur se penche sur la nécessité de doter nos communes d’un personnel. Toutefois, faute de décrets d’application, cette loi n’est pas encore effective. On espère que cela se fera sous peu.
A l’issue des communications, les échanges qui s’en sont suivies ont pu montrer davantage la pertinence et l’urgence de l’organisation de ces deux jours de messe scientifique avec les maires comme convives VIP. Le silence est d’or mais il est parfois lâche et coupable. Pour le Directeur du CERGD-PPA, Prof Messanh Emanuel AHLINVI, « il y a un temps pour parler ; et le moment est venu de parler. Nous avons attendu que les lois produisent leurs effets car nous avons remarqué que lorsqu’on se presse de parler, ils ont souvent de temps de se réajuster et de les faire passer ». Il poursuit « ce travail est une contribution au renforcement de la Décentralisation ; surtout dans un contexte de relecture d’un certain nombre de lois au lendemain du dialogue politique organisé par le gouvernement de la rupture ». Emmanuel AHLINVI referme les rideaux de ces deux (2) jours de travail acharné par une résolution forte « c’est la première édition d’une série de réflexion sur ces sujets-là. On a voulu décentraliser les centres d’étude et de recherche de Cotonou vers Parakou ». C’est dire qu’il y a les compétences intellectuelles à l’Université de Parakou pour aborder de façon scientifique l’actualité politique et juridique mais aussi les questions de décentralisation et de gouvernance locale. D’ailleurs le Directeur du CERGD-PPA annonce son grand retour dans les médias, surtout de Parakou. Vivement !
Irédé David R. KABA
PROPOS RECUEILLIS
He Gaston YAROU, maire N’Dali « …avec l’exercice que nous avons fait ces deux derniers jours, on est en net recul après près de 16 ans de décentralisation »
Je dois dire que j’ai été beaucoup impressionné par les thèmes qui ont été développés à travers les panels de l’atelier. Nous avons tous compris que, avec l’exercice que nous avons fait ces deux derniers jours, on est en net recul après près de 16 ans de décentralisation. Il va falloir que nous nous ressaisissons et quand je dis « nous », il s’agit des différents décideurs. Il faudra que ces derniers comprennent que le développement d’une nation commence à la base car c’est là que les objectifs de développement durable sont visibles. Vous savez, au niveau national, il y a la force. Mais à la base, il faut convaincre. Je ne suis pas contre les contrôles mais comment penser que c’est l’Etat qui aujourd’hui est le maître d’ouvrage. Les communes sont dépossédées de leurs attributions. Nous nous sommes mirés à travers ces lois sur la décentralisation. Tout n’est pas mauvais car l’Etat fait des efforts notamment en ce qui concerne les ressources financières mais il faut qu’elles nous parviennent à temps. Si on met les ressources financières à notre disposition en fin Août, on nous demande de consommer avant fin novembre, vous voyez qu’on ne peut pas faire de miracles. D’ailleurs les procédures de passation de marchés sont tellement lourdes et longues et à cela on vient ajouter un DCF qui doit être là pour les remises de sites. Dans le Borgou, il y a 8 communes. Supposons qu’il y ait dix (10) marchés simultanément, comment fera-t-il ? puisqu’ à toutes les étapes il faut qu’il soit là. Cela veut dire simplement qu’il y a un manque de confiance aux maires et cela n’est pas bien. Il faut leur faire confiance et lorsqu’ils font mal, qu’on frappe. Le régime frappe et on aime bien cela d’ailleurs.
Outre cela, la loi dit que les recrutements dans l’administration locale se fera par l’Etat. Je crois que c’est assez grave. Il faut qu’on nous laisse nous-mêmes procéder aux recrutements. Et je suis étonné qu’on nous dise dans ce cas d’écrire et c’est seulement après avoir trouvé les arguments convaincants qu’on vous autorise. Je crois en définitive qu’il faut revoir les textes et que la décentralisation devienne effective. Les pays européens arrivent à se développer car ils donnent véritablement le pouvoir à la base. Nous demandons juste aux populations de nous faire confiance et de passer par les moyens adéquats pour nous faire parvenir leurs préoccupations. Au pouvoir central, je demande qu’il entende notre cri de cœur et que les recommandations de ce séminaire soit pris en compte.
Dr Nathaniel KITTI : « La solution, c’est que le maire et ses adjoints soient élus au suffrage universel direct et au-delà de ça, il faut faire en sorte que les infractions commises par le maire soient justiciables… »
Il faut noter deux choses. Quand on parle d’élection de conseillers municipaux, communaux et des conseillers de village ou de quartier de ville, selon le code dans sa version actuelle, on constate que la Cena est compétente pour organiser les élections communales et municipales. En ce qui concerne l’élection des conseillers de village et de quartier de ville, le code donne le droit au chef de l’Etat de prendre un décret pour organiser l’élection et nommer l’institution. Donc il faut d’abord faire des réformes à ce niveau. Il faut redonner à la Cena ses compétences. En ce qui concerne l’élection des conseillers de village et de quartier de ville, il faut permettre aux Coordonnateurs d’arrondissement de proclamer les résultats provisoires. Ce sera une grande réforme pour la transparence dans la gestion desdites élections. Il y a d’autres problèmes qui se posent lorsqu’il s’agit par exemple du quitus fiscal, de la question de parrainage, de la question des élections générales qui ont été agitées au prétendu dialogue politique. Quand on prend le code, il y une seule de ces préoccupations qui y figure déjà : le quitus fiscal. Il faudra faire en sorte que la délivrance soit décentralisée dans le cadre des élections municipales, communales et locales, qu’on ne souffre pas, pour ce fait d’exclusion comme ce fut le cas pour les législatives. Maintenant, le cautionnement est assez dérisoire pour les élections municipales, communales et locales. C’est dix mille (10.000 FCFA) pour les conseillers de quartier de ville et mille (1.000FCFA) pour les conseillers de village et de quartier de ville. C’est dérisoire ! Parce qu’on assiste à un embourgeoisement rapide à ces niveaux-là. Donc il faut rehausser le cautionnement. Le candidat à l’élection législative paye un million (1.000.000). Le candidat aux élections présidentielles paye deux cent cinquante millions (250.000.000). Le candidat au poste de maire va-t-il payer dix mille (10.000FCFA) ? c’est dérisoire ! Donc il faut rehausser ça. Au-delà de cet aspect, il faut régler le problème de la langue ; c’est-à-dire que dans le code il faut parler la langue française et il faut l’écrire. Alors que plus de 60% est analphabète de la langue française. Donc il faut régler ce problème et permettre à ce que les candidats en soient dispensés.
La question de la destitution des maires.
La solution, c’est que le maire et ses adjoints soient élus au suffrage universel direct et au-delà de ça, il faut faire en sorte que les infractions commises par le maire soient justiciables ; c’est-à-dire que les infractions soient portées devant une juridiction. Si le maire succombait, il pourrait être destitué comme c’est le cas pour le chef de l’Etat dans la constitution. Une telle action contribuerait à stabiliser l’exécutif au niveau local. En ce qui concerne la charte des partis politique et le système partisan, c’est un problème de militantisme. Maintenant nous sommes dans le cadre des restrictions des libertés politiques. Il faut mettre fin à tout ça et permettre au citoyen qui le souhaite de créer son parti politique. Là on peut mettre des conditions. Pour que ce parti puisse survivre il faut qu’il participe à un certain nombre d’élections parce que tous les partis politiques ne peuvent pas avoir d’envergure nationale : ce n’est pas possible, ça n’existe dans aucun pays. Vous avez des partis politiques qui ont l’envergure d’un village, d’autre, l’envergure d’un arrondissement, d’une commune, d’une circonscription électorale et une envergure nationale. Donc je peux créer un parti pour avoir les conseillers de mon quartier pour pouvoir mieux gérer mon quartier. C’est ce que les pays étrangers font et ils progressent. Pour finir, je crois que les maires doivent créer une connexion avec les partis politiques, les universitaires et le gouvernement central pour espérer d’être associés aux réformes. Je crois que c’est comme ça qu’on aura une réforme en tenant compte de la volonté des populations à la base.
Kossoba NANAKO, Expert des questions de gouvernance locale et de décentralisation : « … pour ce qui est du code domanial et foncier, on a le moins perçu d’au moins 15% des recettes propres des communes »
Je retiens que le Bénin poursuit inexorablement sa marche vers la modernisation mais il faudrait faire attention à l’impact des réformes, les nouvelles lois qui sont prises sur les collectivités territoriales en termes de gestion, de financement, de recette etc… pour ce qui est du code domanial et foncier, on a le moins perçu d’au moins 15% des recettes propres des communes. Il faut donc penser à compenser cela, soit directement soit indirectement. L’essentiel est donc de continuer de doter les communes de moyens nécessaires pour jouer leur partition dans l’aménagement, l’administration du territoire, disons dans le développement local.
Nous avons évoqué la question des élections municipales, communales et locales. Les participants souhaitent que le dialogue politique permettra de revoir certaines choses pour faire en sorte que la fête de la démocratie qui se célèbre à travers les élections régulières et transparentes puisse s’animer de bonne foi entre les acteurs dans une ambiance pacifique. Si je peux me permettre un appel, c’est de demander à chacun de nous de jouer sa partition, de respecter l’esprit républicain, de respecter le droit des autres à la différence, de respecter aussi les libertés. Je crois qu’avec cet effort de tous, même si on n’a pas tout réglé, on se serait concentré sur l’essentiel et le développement à la base aussi en serait aisé.
Dr Emmanuel AHLINVI : « …nous allons dégager aussi des recommandations que nous allons essayer de transmettre à certaines personnalités proches du pouvoir »
Ce séminaire nous a permis d’examiner les effets induits par les nouvelles lois sur la décentralisation. On a voulu voir comment les gens ressentent les impacts de ces lois là au niveau local. On a pu se rendre compte que cela a déjà de graves répercussions sur la gouvernance démocratique. Donc nous n’avons pas été déçus. Les gens ont beaucoup participé. On a permis aux participants de s’exprimer. Nous allons produire un rapport que nous allons déposer à la fondation mais nous allons dégager aussi des recommandations que nous allons essayer de transmettre à certaines personnalités qui sont proches du pouvoir de façon à ce que, lorsque les décisions seront prises, ils puissent en tenir compte. Par rapport aux différents problèmes qui se posent dans le pays, nous n’allons pas nous positionner comme des opposants mais comme des chercheurs, des savants capables d’accompagner les différents gouvernements à résoudre un certain nombre de problèmes. Parakou est la périphérie et Cotonou le centre. Il doit avoir une connexion entre les deux universités. Le réflexe souvent c’est de s’adresser à l’Université d’Abomey-Calavi. Désormais, dans la sollicitation de l’expertise, il faudra compter avec le Centre d’études et de Recherches sur la Gouvernance Démocratique et les Politiques Publiques Appliquées (CERGD-PPA).
Propos recueillis par Irédé David R. KABA